Satané clés c'est de votre faute !

El' tapait du pied avec ses lourdes chaussures sur le sol, toisant l'un des clients qu'elle venait de servir, celui-ci se tenait la mâchoire avec une expression de douleur sur le visage. Elle n'avait pas hésité une seconde à flanquer un coup de poing au pauvre homme qui avait trébuché pour lui tomber dessus sans même que lui même le veuille, exprès ou non personne n'avait à la toucher. Après une engueulade avec le patron elle parvint à ne pas être virée mais du finir son service en avance pour aujourd'hui.

Eleth sortit du bar vers 22h, la nuit était tombé et en plus de cela il faisait plutôt frais malgré le fait que c'était l'été. Enfilant sa veste elle fit un signe au tenancier avant de disparaitre au coin d'une rue pour rentrer chez elle, heureusement ce n'était qu'à une dizaine de minutes de marche. Car rentrer seul dans des rues sombres ce n'était jamais rassurant même si on savait se battre, mais blondie semblait ne pas trop s'en faire marchant les mains dans les poches.
A mi-chemin elle fouilla dans ses poches ses clés tout en continuant d'avancer, où est ce qu'elle avait bien pu les mettre. Sans regarder devant elle elle commença à s'énerver pour de simple clés d'apparemment.

Yun marchait tranquillement dans les rues de la ville, sans se douter de ce qui allait lui arriver. Pantalon déchiré, chemise, baskets, veste en cuir noir ; l'adolescente était habillée comme sur un certain dessin que nous connaissons bien. Maintenant, que faisait-elle en pleine rue si tard, la nuit ? Bonne question ! Elle avait besoin de s'évader un peu du loft de Yuzu. Les pouvoirs qu'elle développait mettaient la pagaille dans la maison, elle ne pouvait pas toujours bien supporter les interminables monologues de la japonaise sur la mode et... et elle avait besoin, de temps en temps, de mettre un peu de recul entre l'arabe et elle. Le lien qui les unissait toutes les deux devenait plus fort au fil du temps et la chinoise ressentait ça comme une violation quasi permanente de sa plus profonde intimité. Vivre ça au quotidien, ce n'était pas facile... c'est pourquoi la jeune fille avait besoin d'air, comme ce soir.

Mains dans les poches, l'air décontracté, elle vit une autre personne arriver droit vers elle. Le problème, c'était que notre chinoise était une vraie racaille dans l'âme et elle ne cèderait le passage pour rien au monde ! Si elle continuait d'avancer, l'autre pouf en face finirait bien par faire un p'tit détour, histoire de ne pas se télescoper l'une l'autre. Hé ben non, raté ! PAF ! La blonde, vraisemblablement trop occupée, percuta notre noire-tignasse de plein fouet ! Yun, sous le choc et le poids de l'autre gnouf, se sentit basculer en arrière et tomba sur le dos, le corps de la distraite pesant sur le sien.

-"Hey, la grosse, ça te dirais pas de regarder où tu mets les pieds, nan ?!"

Toujours aussi charmante, ouaip. Yun rouvrit les yeux et aperçut le visage de l'autre à quelques centimètres du sien à peine. Mmmh... elle avait déjà vu cette fille quelque part avant... c'était... omg ! Nan, c'était pas possible ! Tout mais pas ça ! Pas elle, pas cette crétine d'Eleth ! Tout mais pas ça ! Sa vie commençait à peine à prendre un bon tournant, cette peste ne pouvait pas revenir dans sa vie et tout foutre en l'air ! Sur un ton assez sarcastique, la chinoise finit par déclarer :

-"Alors comme ça on a rejeté mes avances et maintenant on se jette sur moi ? J'savais bien qu'au fond, t'étais folle de moi !"

Par contre... comment lui expliquer qu'elle était morte et revenue à la vie ? Hum... ça allait être coton, ça... La blonde avait elle la moindre idée de ce qui s'était vraiment passé ce soir là, ou pas ? Beaucoup de questions, peu de réponses, il fallait essayer de rester calme le plus longtemps possible, histoire de lui soutirer quelques renseignements.

Eleth se cogna à quelque chose devant elle et bascula en avant. Sa chute fut beaucoup moins douloureuse que prévue étant donné que la personne dans laquelle elle était rentrée avait amortie sa chute. Elle aurait pu se pousser au moins ! Elle avait du bioen voir qu'elle était occuper à chercher quelque chose qu'est ce que c'était que cette imbécile qui rentrait dans les gens comme ça ?! Et en plus elle l'engueulait ! Elle la traitait de grosse en plus elle se retint de l'étrangler profitant du fait qu'elle l'écrasait déjà.

"Tu t'es fait mal j'espère."

Elle dit ça d'une voix froide en regardant enfin la personne qu'elle plaquait encore à terre et, il faut le dire, blondie resta sans voix et devint très, très pâle. Elle resta figée et pour ça eu une réflexion de la jeune fille qui confirmait belle et bien son identité. Elle devait mentir, ce devait être une très mauvaise blague qu'on lui avait fait pour lui en faire baver une énième fois après la mort de .... de la personne sur laquelle elle était toujours allongée.
Plus un seul son ne passa les lèvres d'Eleth qui réagit enfin et se releva en donnant un coup de poing dans la clavicule de la chinoise. Elle se colla au mur derrière elle en dévisageant la brunette qui n'avait pas changé depuis deux ans. Comment pouvait elle être vivante ... Elle se rappelait pourtant l'avoir trouvé dans sa chambre, avoir entendu le médecin dire qu'elle était belle et bien morte avant de refermer le sac noir et la mettre dans l'ambulance...
Et ce n'était pas une hallucination, ni un fantôme revenu pour la hanter ou quoi que ce soit d'autre, ça ne l'aurais pas fait tomber, alors comment ? El' avait clairement peur et songeait même à fuir, elle en trembla car cette rencontre était parfaitement impossible. Yun allait se venger maintenant ? Eleth en avait du mal à respirer mais finit par cesser de trembler, elle n'allait pas avoir peur de sa rival ! Elle avait beau être morte et devant elle... elle ... elle n'allait pas fuir ! La jeune fille ne reprit pas des couleur mais plongea son regard dans celui de la chinoise avec un air de défit.

-"Aie !"

Ha ben ça, direct, la blonde redevait violente ! Le coup de poing, notre chinoise aurait très bien pu s'en passer, vous pouvez me croire ! Même si la douleur n'enlevait rien au plaisir de voir cette harpie aussi blanche qu'un linge. Regardez-là trembler ! Ha ! Pour sur, on aurait dit qu'elle venait de croiser un fantôme ! Yun se releva et regarda sa rivale de toujours droit dans les yeux, sans flancher une seule seconde. Le temps passa un peu et, d'un seul coup, sans crier gare, la chinoise donna un grand coup de pied dans le tibia de la blondinette et l'attrapa par le col, pour la plaquer contre le mur. Elle venait de décider de ne pas y aller par quatre chemin, de ne pas jouer à la psychologue et tout le tralala.

-"Je sais pas non plus pourquoi j'suis encore en vie, je suis... revenue, on va dire... y'a quelques jours seulement, et j'ai pu commencer une nouvelle vie bien meilleure que la précédente."

Yun n'avait pas crié, était restée assez calme dans ses propos, mais tentait de garder l'autre coincée contre le mur d'une main de fer ; la fixant droit dans les yeux. La vie dans le luxe, la vie avec deux nanas qui l'acceptaient comme elle était, c'était pas ce dont elle avait toujours rêvé, mais c'était déjà mieux que rien ! Bien mieux qu'une vie passée à se faire humilier par des jeunes qui n'avaient aucune idée de ce qu'ils faisaient, qui ne comprenaient même pas la douleur qu'on pouvait ressentir lorsqu'on était une tête de turc. Rien qu'une bande de gens incapable de se rendre compte de combien ils étaient pourris de l'intérieur.

-"T'imagines même pas ce qu'était ma vie avant, t'imagines pas ce que ça fait d'être humilié jour après jour, ni même ce que je devais subir quand je rentrais de l'école... je... tu... " Yun ne savait pas trop comment aborder ces choses avec quelqu'un qui la détestait au plus haut point, ça avait le don de lui faire perdre petit à petit son calme. "J'sais pas ce que tu fous dans cette ville, et j'en ai rien à foutre, mais t'as pas intérêt à t'approcher de moi... j'veux juste que tu disparaisses de ma vie une bonne fois pour toute. T'as pigé ?! Je te laisserai pas gâcher ma vie une deuxième fois !"

Yun avait un tout petit peu haussé le son, sa main, celle qui tenait le col de l'autre, s'étant mise à trembler un peu. La jeune fille ne l'avait pas voulu, mais on sentait bien l'émotion dans sa voix. Les mauvais souvenirs ne cessaient d'affluer dans son esprit depuis qu'elle était revenue à la vie, toutes ces humiliation la hantaient encore aujourd'hui... non, elle ne voulait vraiment plus de tout ça, elle ne supporterait pas que la blonde monte tout le monde contre elle encore une fois ! N'y tenant plus, resserrant encore un peu plus sa poigne, la chinoise, ne tenant même plus compte de l'heure tardive, cria bien fort :

-"J'VEUX PLUS JAMAIS VIVRE ÇA !"

Sa main n'arrêtait pas de trembler.
Elle se fichait bien de tout ce qui pouvait arriver à celle dont elle était autrefois tombée amoureuse, elle voulait juste... juste... ne pas regretter d'avoir accepté de se laisser une seconde chance dans la vie...

Eleth du encaisser autant le coup de pied et le mur que les paroles de Yun pourtant elle resta muette encore un moment. Elle ne quitta pas pour autant les yeux de la chinoise qui était tout d'abord restée calme avant de finir par lui crier dessus.
Elle s'en était voulu durant deux ans... deux années entière où la mort de l'étrangère l'avait poursuivit et où elle s'en était voulu d'être aller aussi loin et de n'avoir rien fait pour empêcher quoi que ce soit. Elle avait de la fierté donc elle ne montra pas directement que ce que disait Yun la touchait réellement et la blessait.
Elle pouvait toujours lui dire qu'elle comprenait, qu'après sa mort elle était devenue la nouvelle victime de toute la classe. Aussi qu'elle avait vu comment c'était chez elle, que c'était même elle qui l'avait découverte morte dans son lit. Mais de quoi aurait elle l'air à se plaindre à quelqu'un qui à tellement haït sa vie qu'elle s'est tuée ?

El' regarda de haut celle qui était plus petite elle et la plaquait pourtant contre le mur, elle ne souriait pas et se contentait de la toiser sans trouver quoi dire. Elle se surprit à penser qu'elle était heureuse de tout compte fait la voir en vie, même si en cet instant elle en avait clairement peur. Elle ne voulait pas lui gâcher la vie une fois de plus, mais il était sur qu'aucune des deux ne pourrait oublier. La preuve était en face d'elle.
Eleth serra les dents pour ne pas hurler à son tour et cracher à la figure de la chinoise tout ce qu'elle pouvait avoir sur le cœur à cet instant, elle déglutit difficilement avant de parler à son tour de manière sarcastique.

"Ça devait être un vrai paradis ces premiers jours sans moi dis donc."

Pourquoi devrait elle à nouveau vivre ça rien qu'en la rencontrant, c'est pas comme si elle avait une armée ici pour aller l'attaquer et la martyriser. De toute façon tout les connards étaient resté dans leur ancienne école et c'est pas comme s'ils étaient à ses ordres, au contraire. Eleth commença à s'emporter elle aussi et à crier.

"A quoi ça me servirait de te pourrir la vie maintenant ? J'ai déjà assez réussi mon coup une fois, ça me suffit. Mais demande toi ce que je peux bien faire ici ? Pourquoi je serais pas là bas ? Pourquoi j'aurais redoublé deux années à cause de conneries que t'as pu subir ? Je m'en contre fou de ta vie alors pourquoi j'irais te la gâcher encore ? De toute manière t'es qu'une lâche d'avoir décidé de finir l'ancienne."

Elle aurait du avoir la force de continuer à vivre, si elle était arrivé chez elle et qu'elle était encore vie peut être que les choses auraient changé. Vivre c'est changer et cette abrutie avait juste abandonner au moment où elle avait décidé de bouger. Elle avait tout gâcher, c'était elle qui avait gâché sa propre vie ! Elle repoussa brusquement la chinoise pour que son bras tremblant la lâche.

"Pousse toi si tu ne veux plus que je t'approche. Barre toi si tu veux que je disparaisse ! Je vais pas perdre mon temps avec toi encore une fois ! Cette ville c'est chez moi et hors de question que je parte pour toi, je ne ferais plus jamais rien pour toi !

El' avait assez donné, si blondie n'avait rien fait pour cette chinoise ignorante ça se trouve personne ne se serait retourné contre elle en vérité. Elle aurait du continuer à fermer les yeux pour être tranquille, mais fallait qu'elle soit stupide à cette époque et décide de "l'aider" comme une cruche.

PAF. Le poing de Yun Li s'abattit sans aucune retenue sur le visage d'ailette. Le regard de la chinoise était noir de colère et en cet instant, il était clair qu'elle faisait peur. L'anglaise avait été trop loin, cette fois. Lâche ? Parce qu'elle osait vraiment la traîner de lâche alors qu'elle avait dû affronter la mort de sa mère adoptive, l'alcoolisme et la violence de son père adoptif ainsi que les humiliations et la persécution à l'école ; le tout en même temps ?! Trois ans ! Elle avait tenu trois ans, sans jamais baisser les bras, alors qu'elle était seule contre tous ou presque ! Sans Xin, qui sait combien de temps elle aurait tenu ? Probablement moins. Facile, hein, de dire ça quand on est une fille populaire et qu'on a toute une école derrière soi. Yun n'avait jamais rien eu, elle était juste le vilain petit canard de la classe... de l'école... de la ville toute entière...

-"Ne me traite plus jamais de lâche."

Il y avait des remarques que notre chinoise n'était plus en mesure d'accepter, aujourd'hui... enfin, encore moins qu'avant. L'anglaise ne faisait que débiter des conneries depuis tout à l'heure, c'en était pitoyable. Yun cracha aux pieds de son ancien fantasme et lui lança d'un air mauvais :

-"Alors c'est ça que ça fait ? De ne plus être supportée par toute une école ? T'es pathétique, on dirait que tu sais plus quoi dire pour t'en sortir. Tout c'que t'as fait pour moi ? Parce que je devrais te remercier d'avoir monté tout l'monde contre moi quand tu pouvais juste... juste... garder le secret ? C'était pas assez visible comme ça qu'ils me détestaient tous, qu'ils ne cherchaient qu'un prétexte pour m'enfoncer autant ? Allez, avoue-le ! T'as bien pris ton pied à les aider à m'humilier et me persécuter jours après jours, hein ? Tout c'que t'as fait pour moi, ben tiens... on voit bien que c'pas toi qu'on forçait à bouffer des vers ou qu'on aspergeait de pisse, tiens !"

Poings serrés, la chinoise se retenait un maximum de sauter sur son ex-rivale et de lui mettre une bonne correction, préférant vider son sac et déballer tout ce qu'elle avait sur le cœur une bonne fois pour toutes. Boah, ça ne servirait peut-être à rien. L'anglaise n'était qu'une de ces filles inconscientes incapables de se rendre compte du tord qu'elles pouvaient causer autour d'elle. Après tout, quand on traite quelqu'un de lâche pour s'être suicidé après un harcèlement intensif et quotidien pendant plusieurs années, sans compter ce qu'il y avait à côté, c'est qu'on est incapable de comprendre la réalité des choses. Il était temps de se rendre compte de ses erreurs et d'assumer, maintenant !

-"Tu sais ce que ça fait de se faire battre par son propre père ? Tu sais ce que ça fait d'être seule contre toute une ville, d'être persécutée et humiliée jours après jours... à la limite de la torture, parfois ? Toi, quand t'allais t'amuser avec toutes ces salopes qui s'amusaient à me descendre, moi je restais chez-moi. J'ai pas eu d'amis, moi. Jamais. Je suis chinoise, ça explique tout... évidemment. Toi, t'as jamais été seule, j'en suis certaine. Tu sais pas ce que ça fait que de perdre la seule et unique personne qui nous ait jamais soutenue, hein ? T'sais pas ce que ça fait de s'entendre dire que la seule personne qui nous aime a été tuée, son seul crime ayant été d'être chinoise. Ils me l'ont enlevée... pour une connerie comme ça... ce monde est pourri jusqu'à la moelle ! Mais non, j'ai juste été lâche, c'est ça ? J'aurais du rester pour vous permettre à toi et tous tes potes de m'humilier encore un peu plus, c'est ça ?!"

Yun reprit son souffle. Elle ne se serait jamais doutée qu'elle aurait pu lâcher un flot pareil de paroles en si peu de temps, sans laisser la moindre chance de réplique à son interlocutrice. Au final, elle en avait dit un peu plus qu'elle ne l'aurait voulu, mais ce n'était pas grave... au final, ce n'était pas comme si l'anglais venait de gagner des informations d'une importance capitale.

-"En plus t'oses limite dire que t'as perdu deux années de ta vie à cause de moi..."

Limite, son interprétation personnelle des paroles de l'anglaise lui faisait vraiment mal... plus elle parlait, plus elle avait l'impression que tous ces gens la haïssaient vraiment au plus haut point. Elle ne leur avait jamais rien fait de bien grave, c'était dégoûtant.

-"J'me fout ce tout ce que tu peux dire, aujourd'hui cette ville c'est chez moi et je compte pas m'écraser. Retiens juste que j'ai pas besoin que des gens comme toi me tournent autour, j'veux juste qu'on me foute la paix, personne n'a besoin de moi et j'ai besoin de personne ! J'te préviens juste : si t'as encore besoin de te défouler sur quelqu'un, t'as intérêt à te trouver quelqu'un d'autre... je serai plus aussi gentille qu'avant."

Et elle tourna le dos à son ancienne être aimée et s'apprêta à s'en aller, en espérant que le message était bien passé.

Eleth n’évita même pas le coup de poing, le force du coup poussa sa tête une fois de plus contre le mur. Une belle marque commençait déjà à se voir sur son visage et ça lui avait éclaté la lèvre et pourtant elle continuait de la toiser de haut. Elle serait capable de la traiter de lâche encore et encore si elle le voulait, que la chinoise la menace et la frappe n’y changerait rien. Elle lécha le sang qu’elle avait sur sa lèvre et posa sa manche sur la blessure pour arrêter le saignement. Mais Yun n’avais pas tord pour autant…

« Comme si ça me faisait marrer de raconter une telle connerie au gens ! J’ai jamais monté personne contre toi, ils ont tout fait comme des grands. Moi j’ai jamais voulu que ça se sache ! C’était une affaire personnelle entre toi et moi ! Et tout monde s’y est mêlé, ils s’en foutaient bien de ce que j’en pensais. »

Elle avait essayé de clamer les choses mais elle ne la croirait sans doute pas si elle lui disait et elle préférait encore ne rien dire plutôt que d’être traité de menteuse. Ca l’énervant d’autant plus que ce que disait Yun était en partie vrai. C’était bien la chinoise la plus persécutée dans l’histoire et malgré que les choses se soient retournées contre Eleth elle restait la plus à plaindre.

« Pas à cause de toi, mais des autres. Ce sont les autres qui ont tout gâchés. Qui m’ont fait perdre mon temps par la suite et qui ont ruiné ta vie du début à la fin. J’y ai prit part et parfois du plaisir, après tout c’est sympa d’avoir quelqu’un avec qui se battre, mais le temps qu’on se battait personne t’humiliais. Mais c’est sur nous deux on ne peut pas se comprendre. On est trop différente pour ça.»

Ce que disait la blonde était un moyen de reporter la faute sur les autres, si elle avait été seule et que personne n’avait été au courant rien de tout cela ne se serait passé. Ou du moins ça n’aurait pas prit une telle envergure. Alors que la jeune fille venait de lui tourner le dos pour partir continua d’un ton méprisant, mais avec autre chose qui lui donnait une voix tremblante..

« Et je ne reviendrais pas sur mes mots, lâche, quelques heures de plus et ça aurait pu changer. Dis-toi que j’aurais pu te rapporter tes affaires le soir et te virer toutes ses saloperies de tes mains à temps. Mais fallait que je te trouve morte entourée de médocs et d’alcool. Tu peux bien partir et me dire ce que tu veux je resterais dans cette ville aussi, c’est aussi chez moi.»

Si la chinoise avait tenté quoi que ce soit quelques heures plus tard, elle aurait pu l’arrêter. C’était une lâche, un point c’est tout. Elle aurait du tenir plus longtemps. Eleth en avait assez de cette conversation, toutes deux allaient rentrer et ça ne changerait rien au passé de toute façon. Qu’elle soit de nouveau vivante ou pas.

-"T'as jamais pensé à grandir un peu ?"

Plus que de la colère, c'était limite de la pitié qui pouvait maintenant se lire dans le regard de la chinoise. Bon sang... quelle gamine... Yun se tourna à nouveau et rapprocha son visage de celui de l'anglaise, histoire de bien ancrer son regard dans le sien. Il fallait vraiment avoir un grain ou manquer de maturité pour croire à tout ce que la jeune femme venait de dire. Les autres ont fait ça tout seul, hein ? Elle y a prit du plaisir, c'est toujours marrant d'avoir quelqu'un avec qui se battre, hein ?! Mais bon sang, ces affirmations n'étaient vraies qu'une fois sorties de leur contexte ! Il était temps de remettre les pendules à l'heure, de mettre les points sur les i.

-"Arrête de raconter des conneries, tu me fais pitié ! P'tain, Eleth, j'étais amoureuse de toi ! T'peux vraiment pas arriver à comprendre ça ? Quand tout allait mal, quand je déprimais, quand mon père se montrait violent, tout ce que j'avais à faire pour retrouver le sourire c'était penser à toi. Il me suffisait de me dire que je pourrais t'admirer le lendemain à l'école pour me sentir mieux ! Ce jour-là, au parc, j'avais besoin de tout t'avouer... et j'ai pas su le dire. J'pouvais pas le cacher plus longtemps et en même temps j'avais tellement peur de ta réaction... j'ai paniqué, fait une connerie, ça aurait jamais du se passer comme ça, j'sais bien ! Mais j'le savais bien, moi, que tu me repousserait. J'étais pas si naïve, un simple "non" aurait suffit, tout aurait pu redevenir comme avant." Yun secoua la tête, ressassant tous ces mauvais souvenirs. "J'ai toujours été un peu garçon manqué, me battre avec quelqu'un peut toujours être drôle... mais pas avec toi, merde ! J'étais amoureuse que j'te dis ! Mais la personne qui faisait battre mon cœur aussi vite, toi, a décidé de faire de moi son ennemi juré, la cible à abattre ! Tu peux essayer d'imaginer une seconde ce que j'ai ressenti ? T'peux imaginer une seconde combien ça fait MAL ? Devoir transformer l'amour en haine, c'est si dur... si dur... mais évidemment, tu t'es jamais mise à ma place, t'as jamais essayé d'en savoir plus, t'en avait juste rien à foutre !"

Alors non, se battre contre Eleth n'avait pas toujours été une partie de plaisir ! Une fois tous ses sentiments enfin enterrés au plus profond de son âme, oui, lui casser la figure était devenu une activité jouissive... mais avant ça, ça avait été très dur ! Elle avait eut le cœur brisé, elle avait tellement pleuré, sur le coup... en cachette, en plus, sans même pouvoir se confier à sa frangine. Sur ce coup, elle avait été seule au monde... le pire, c'est qu'elle osait toujours la traiter de lâche.

-"La plus lâche de nous deux, c'est toi. T'étais la nana la plus populaire de l'école, t'avais tout l'monde à tes pieds ! T'en faisait ce que tu voulais, et viens surtout pas me dire le contraire ! Si t'avais voulu que ça reste entre toi et moi, t'avais le pouvoir de faire arrêter tout ça facilement ! Mais non, t'as préféré les voir me torturer jour après jour... t'as même pas eu le courage de t'y opposer. Tu te cachait derrière tout le monde, alors que moi je n'en ai jamais parlé à personne... même ma grande sœur n'était pas au courant de tout ce que vous me faisiez subir. J'étais vraiment seule, et je me suis toujours arrangée pour le rester. J'ai toujours affronté vos merdes le plus dignement possible, sans jamais me servir des autres pour m'aider à me venger. Viens surtout pas me dire que tu voulais que ce soit entre toi et moi alors que tu t'es jamais opposée à eux."

Même si sa voix ne tremblait pas et ne trahissait aucune de ses émotions, la p'tite chinoise ne pouvait pas empêcher ses yeux de devenir humide, ne pouvait empêcher ses larmes de lui monter aux yeux... toute cette période avait été si dure. Il paraît que même un homme peut parfois chialer, alors y'a aucune raison pour que ce soit plus rare quand on est un mec manqué. Heureusement, elle arrivait encore à se retenir un maximum.

-"Tu serais venue me ramener mes affaires... et quoi ? Tu pense qu'on se serait réconciliées et que tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes ?! Ma Xin a été massacrée ! J'aurais du continuer de supporter vos tortures, j'aurais du m'occuper de mon ivrogne de père adoptif seule... il était si violent qu'il m'aurait tuée ! J'avais plus rien, plus personne, j'avais le moral au plus bas... mais t'as raison, tu pourras jamais comprendre ce que ça fait que d'être seule au monde, sans aucun espoir pour l'avenir !"

Eleth, malgré la situation et tout au long du discours de la chinoise, souriait. Un sourire infiniment triste mais un sourire quand même. Ca pourrait lui valoir un autre coup de poing sans doute mais ce n’était pas intentionnel. En tout cas elle répondait à cet échange de regard. Non en effet elle ne c’était jamais mise à sa place, il faut dire penser à se mettre à la place de quelqu’un qui souffre autant peu de personne le font vraiment. Et elle n’était pas assez forte pour réussir à imaginer ce que ça pouvait être, elle avait vu ce que ça donnait, ça suffisait déjà pour elle.

La blonde replongeait dans ses souvenirs, sans doute comme son ancienne ennemie. Mais pas la même période, elle avait repensé au jour de la déclaration, mais elle repensait surtout à après sa mort. Combien de fois elle avait voulu qu’elle réapparaisse comme là. Mais ça ne se passait pas comme ça… Loin de là. Elle n’imaginait pas être pardonnée, mais quelque chose de moins violent. Mais c’était de sa faute aussi, si elle n’était pas si têtue la chinoise ne lui aurait peut être pas crié dessus de cette manière. Peut être que ça se serait passé mieux cette nouvelle rencontre tant attendue. Mais non. Eleth se sentait juste stupide, c’est ce qui la faisait sourire de cette manière.

Elle ne la comprenait pas du tout, elle ne l’avait jamais comprise. C’était véritablement si douloureux de se battre contre quelqu’un qu’on aime ? Elle ne s’en rendait pas compte, ça n’avait jamais été le cas pour elle, elle n’avait jamais été vraiment amoureuse et surtout pas de Yun. Se battre contre elle c’était plus le jeu au milieu de tout ce qu’elle subissait d’atroce, mais ce n’était pas ce que la brunette pensait.

« La plus lâche de nous deux, c'est toi. »

Eleth cessa de respirer durant quelques secondes. Plus exactement jusqu’à ce que la chinoise ai finit de parler, c’était relativement long, mais elle n’était pas parvenu à reprendre son souffle à cause de cette simple affirmation qui lui avait traversé le cœur comme une flèche. Elle avait écouté Yun jusqu’à la fin, et ne trouvait pas de quoi répondre à tout ce qu’elle disait.

C’est vrai, elle n’avait jamais dit le contraire… mais l’entendre dire… Eleth venait de perdre son sourire. Elle ne pouvait pas dire le contraire. Est-ce que si elle avait été plus persuasive les autres l’auraient laissé tranquille ? Et elle ne se cachait pas derrière tout le monde la preuve, elle se battait contre elle après tout. Et si Yun n’avait pas tant résisté à tout ça ils auraient arrêté. Tôt ou tard ils allaient tous arrêter comme ils l’avaient fait avec les autres élèves. Ca aurait juste du s’arrêter et tout serait redevenu normal. Elle baissa les yeux, brisant finalement ce « combat » de regards qu’elle avait commencé avec l’étrangère et elle reprit enfin son souffle. « De toute manière ça ne changera rien » c’est ce qu’Eleth c’était toujours dit à l’époque. Mais finalement, si elle avait agit dès le début, ça n’aurait pas été comme ça ? Elle avait crié sur cette fille pour qu’elle ne dise rien, elle avait tout raconté. Elle avait demandé aux autres d’arrêter, ils avaient juste dit que c’était amusant et avaient continué. Si elle avait insisté, ils auraient vraiment écoutés ? Si elle avait été moins lâche, plus courageuse, si elle c’était interposée ca aurait vraiment changé quelque chose ?

Eleth attrapa son sac bien décidée à le lancer sur la chinoise. Elle la foudroya du regard et le jeta contre le sol avec rage. Pourquoi elle s’entêtait à vouloir être au dessus d’elle alors que tout était de sa faute. Les faits étaient là, la brunette les lui avaient tous balancés en pleine figure. Elle ne pouvait même pas répondre comme quoi c’était faux. Tout était juste de sa faute. Juste la sienne.

« J’aurais pu tout garder ? J’aurais pu les arrêter ? J’aurais pu t’aider ? »

Sa voix semblait toujours contenir sa colère mais elle regardait le sol les poings serrés, tremblant de tout son corps.

« Tout … tout… »

Tout était de sa faute. Ses cheveux cachaient une partie de son visage et ses mains vinrent cacher le reste alors qu’elle commençait à pleurer malgré elle. Elle se laissa doucement tomber à genoux alors qu’elle éclata en sanglots.

Eleth venait de s'écrouler au sol, en larmes, ayant enfin réalisé qu'elle était dans le faux depuis le début... la voir sangloter ainsi... notre chinoise le prenait comme une victoire. Finalement, elle l'aura eu, le dernier mot ! Pourtant, cette victoire était amère. Yun n'arrivait pas à s'en réjouir, voir l'anglaise aussi pathétique en train de chialer comme une gamine au sol lui faisait mal au cœur. Les séquelles d'un amour qu'elle était persuadée d'avoir enterré il y a fort longtemps, surement. Il n'y avait rien de pire qu'une victoire qui n'apporte aucun plaisir, au contraire. Bras croisés, la chinoise toisait l'anglaise sans savoir quelle réaction avoir... elle n'avait aucune envie rire ou d'affirmer sa supériorité en cet instant, pas plus qu'elle n'avait envie d'abandonner la blonde sur le trottoir comme un pauvre chat dont on voulait se débarrasser ! Pourquoi l'image du chat ? Allez savoir. Non, ce que l'adolescente avait envie de faire en cet instant était... juste... trop... insensé. Il n'y avait rien de logique dans son envie du moment.

-"Tu aurais pu." Yun soupira, ne pouvait pas résister à sa fameuse envie. "Tu aurais pu essayer."

Se traitant intérieurement d'idiote, la chinoise se laissa tomber sur les genoux à son tour et, après quelques secondes d'hésitation, prit l'anglaise dans ses bras, histoire de la serrer contre elle. Non mais quelle idée stupide que de vouloir la consoler ! C'était presque comme si cet amour, autrefois enfouis au plus profond de son être, venait refaire surface. Tch.

-"Pas la peine de prendre tout sur toi, les autres sont au moins aussi coupables que toi pour commencer." Yun n'en croyait pas ses oreilles... s'entendre dire des trucs pareils après avoir maudit El' sur 666 générations... "J'ai fini par penser que c'était uniquement de ma faute... j'étais coupable... coupable d'être née chinoise, coupable de ne pas être une fille comme les autres... d'être un monstre en somme." Des larmes silencieuses se mirent à rouler le long des joues de la chinoise, à cause de ces mauvais souvenir. "J'ai tout pris sur moi, j'ai commencé à penser que si je n'étais jamais venue au monde, que si je n'existait pas... tout aurait été bien mieux. Les choses ont commencé à aller de plus en plus mal et... tu sais bien où ça m'a mené."

Yun ne put s'empêcher de serrer l'anglaise un peu plus fort contre elle. Ça la faisait tellement chier de ne pas pouvoir rester neutre, de ne pas pouvoir simplement l'ignorer et la laisser chialer toute seule, dans son coin... il n'y avait sans doute que l'anglaise pour recevoir ce genre de faveurs.

-"Un sourire, un regard inquiet ou quelques larmes... c'est tout ce dont t'as toujours eu besoin pour que je sois sur le point de te pardonner... c'est probablement ce que j'ai le plus détesté chez toi ces dernières années."

Nouveau soupir, alors que quelques larmes silencieuses continuaient de se frayer leur chemin.

-"Même maintenant, alors que je suis censée ne plus rien ressentir pour toi, j'arrive encore à me faire avoir..."

Bon sang, elle n'arrivait vraiment pas à croire qu'elle était en train de faire ça...