Shopping entre filles

Alors que nous étions sorties de mon immeuble par la grande porte, j'avais discrètement montré à Ashura et Yun Li les deux voitures noires garées de l'autre côté de l'avenue à bord desquelles des photographes réglaient leur téléobjectifs pour obtenir des photos à la sauvette.

"On a pas finit d'en voir, alors autant sourire et les oublier. Hein Yun Li ? Souris un peu, demain tu seras dans sept ou huit journaux people !"

J'avançai dans la rue en guidant mes deux amies vers les quartiers commerciaux et la rue marchande de Katashura. Un large sourire des lunettes de soleil, une démarche haute et assurée ; c'était plus fort que moi, comme un automatisme, même lorsque je sortais pour aller acheter des fringues dans un magasin, même pour les plus petites sorties insignifiantes, j'adoptais une démarche et un look de starlette, toujours prête à se faire prendre en photo où à être filmée.
Alors que nous déambulions dans la célèbre rue marchande, désignais plusieurs boutiques dans lesquelles j'étais cliente. Des boutiques de luxe, bien évidemment, ou tous les vêtements que j'achetais étaient, sinon provocateurs, extrêmement féminins, mais je ne pouvais pas concevoir que l'on puisse renier ses formes et préférer les vêtements d'hommes à cette large gamme de fringues qui était accessible aux filles.

"Alors, qu'est ce qui vous tente ?" Demandais-je avec un grand sourire.

-"Tu sais que si ma tronche apparaît dans le moindre magasine people, tu devras m'aider à cacher quelques cadavres, hein ?"

Ben oui, Yun était déjà d'humeur assez boudeuse sans en rajouter une couche avec des paparazzis en manque de clichés. Non mais qu'ils aillent se faire voir, ceux là ! Yun, peut-être un peu trop inconsciente et immature, décida que ses nouveaux pouvoirs lui serviraient à se sortir de situations comme celles-ci. Lorsque les flashs se firent voir, il était déjà trop tard : le fantôme avait traversé l'une des deux voitures en ricanant et était allé coller sa grosse tête en face des objectifs des appareils appartenant aux photographes de l'autre voiture. Les premiers ayant été victimes du phénomène s'étaient plutôt intéressé au spectre et le prenaient en photo tandis que les seconds verraient leurs photographies se transformer en une bouille floue et infâme de couleurs. Bref, ce fut une belle panique pour tous ces photographes et quand le p'tit fantôme disparut, le trio féminin s'était déjà bien trop éloigné pour eux.

Une fois arrivée aux boutiques, la chinoise ne put s'empêcher de tirer une tronche jusque par terre ! Trop de... de trucs de filles ! Trop de déshabillé, trop de sexy, trop de ce qu'elle n'aimait pas ! Pâle comme un linge, elle ne put s'empêcher acquiescer à la remarque de l'arabe. L'adolescente ne trouverait jamais son bonheur dans ce genre de boutique, il lui fallait du moins chic et du moins couvert. Jamais encore elle ne s'était fringuée dans une boutique de luxe et, très sincèrement, elle n'avait pas envie de commencer. L'argent, en avoir en masse, elle en rêve comme tout le monde ; mais en avoir autant ne la ferait cependant pas changer de style de vie.

-"Ash' a raison. T'sais, c'était pas une blague quand je t'ai dis que je me fringue pas au féminin ! Tout ça, là, c'est beaucoup trop... genre... pas mon style du tout."

La japonaise avait l'air d'être le genre de nana qui ne peut pas concevoir une tenue couvrant plus d'un tiers de la surface de sa peau, qui ne peut pas accepter que ses frusques ne soient pas un minimum provocatrices. Yun, pour sa part, n'acceptait pas son corps et elle ne comptait pas mettre sa féminité en avant aussi facilement que ça ! En attendant, il y avait une question à laquelle il fallait absolument répondre.

-"Sinon, ce qui me tente, là, tout de suite, c'est de trouver de vraies pompes. Tes échasses, là, elles commencent à me casser les pieds dans tous les sens du terme ! Tu connais pas un endroit tout simple où ils vendent des baskets ?"

Si la présence de paparazis dérangeait Ashura et Yun Li, elles ne pouvaient pas dire que je ne les avais pas prévenue ; ni même essayé de les faire passer inaperçues en les attifant de manière si extravagantes qu'elles auraient été méconnaissables. Tant pis, elles apparaîtraient tel quel sur les photos, du moins, celles qui étaient réussies car bon nombres de clichés durent être flou, grâce à l'intervention de Ghost-Yunyun.

Je m'effarai devant les vitrines qui retenaient l'attention des deux filles ; pouvait-on encore les appeler des filles ? Je comprenais parfaitement qu'elles n'aspiraient pas, comme moi, à gagner leur vie grâce à leur image ; ce style de vie m'obligeait à exacerber mes atouts féminins au maximum. Mais sans vouloir jouer les idoles, il me semblait naturel de se mettre en valeur, de chercher à être séduisante... Elles, cela semblait leur passer à six pieds au dessus de la tête ; j'étais en train de faire les boutiques avec des filles qui représentaient tout le contraire de ce que j'étais, et j'en tombais des nues. A chaque fois que je leur désignais un magasin, je les voyais blêmir et détourner le regard ; et quand elles entraient de bon coeur dans une boutique, je désespérais de ne voir que des fringues amples, mal coupées, pré-trouées...

D'un air dubitatif, j'observais les deux étrangères choisir ce dans quoi elles seraient le plus à l'aise en songeant que nous n'avions clairement pas le même regard sur la mode et l'apparence. Je commençai à fouiner dans les rayons sensés être destinées aux filles ; en vingt ans, jamais je n'avais eu de vêtements pareils, c'était plutôt amusant dans le fond, comme découvrir le monde vestimentaire dans lequel vivait Ashura et Yun Li, un monde dans lequel elles semblaient se complaire et ou je passais pour une sur-pouffe, avec mes talons aiguilles et ma veste ouverte sur mon soutien-gorge, au milieu des pantalons militaires, des baskets et des sweats à capuche.

Je n'étais clairement pas à ma place.

Yun farfouillait un peu partout dans ce magasin qui lui convenait beaucoup mieux que tous ceux que la japonaise leur avait montré jusqu'à présent ! Bon, elle ne devait pas avoir l'air très à sa place avec ce haut qu'elle abhorrait et ce mini-short qui lui donnait un air aussi pouffe que Yuzu... mais elle s'en fichait, dans peu de temps elle pourrait à nouveau se balader avec des fringues normales ! Rien que ça lui arrachait un franc sourire. En attendant, elle ne se privait pas pour choisir ce qui lui plaisait, en passant des jeans troués aux pantalons militaires, sans oublier les t-shirts et pulls à capuche, ni même une charmante veste de cuir qui lui donnerait l'air d'une racaille. Tout à coup, elle entendit Ashura avoir une bien bonne idée, qui la tira de sa contemplation vestimentaire ! Pressée de se rendre compte par elle-même de ce qu'il se passait, elle prit le jeans qu'elle désirait sur le bras et s'empressa de rejoindre les deux autres, histoire d'admirer le pull jaune que l'arabe voulait faire porter à la japonaise. Magnifique !

-"Ha, c'est pas une mauvaise idée, tiens ! Enfile donc ça, j'suis sure que t'auras l'air classe dedans !"

Pour la chinoise, cela tenait plus ou moins de la vengeance ! Voir la japonaise dans une tenue qu'elle ne devait vraiment pas apprécier serait jouissif, c'était donnant-donnant après tout ! Elle, elle se tapait bien un mini-short qui ne lui arracherait un sourire que lorsqu'elle s'en débarrasserait, pourquoi l'inverse n'aurait-il pas pu être vrai après tout ? Excitée par ce revirement soudain de situation, la chinoise tourna rapidement la tête et empoigna le premier pantalon bien large et difforme qui lui tomba sous la main avant de le tendre en souriant à la japonaise.

-"T'oublieras pas d'essayer ça non plus, j'suis sur que ça ira trop bien avec ton pull !"

Et si l'arabe se retenait de rire au maximum, la chinoise, elle, ne faisait même pas semblant d'essayer ! Elle se marrait d'avance et ne comptait pas s'en cacher le moins du monde, il n'y avait pas de raison pour qu'elle ne puisse pas en profiter voyons ! L'espace d'un instant, grâce à cette petite vengeance qui se profilait dans un horizon proche, elle avait réussit à oublier tous ses problèmes. Même si elle ne s'en rendait pas très bien compte, elle commençait à goûter à cette vie qu'elle aurait tant aimé avoir, à l'époque.

L'image des fripes odieuses qu'elles me tendirent ce jour dans cette boutique est encore bien présente dans mon esprit. Je revois parfaitement ce sweat-shirt jaune pikachu pourvu d'une épaisse capuche et ce pantalon large, très large, trop large !
Je regardais autour de moi et quand je fus certaine qu'il n'y avait pas plus de monde à nous regarder que la clientèle de la boutique, surprise par la présence d'une fashion lolita dans leurs rayons, je dévisageais tour à tour mes deux camarades.

"Attendez, vous espérez quoi avec ces machins là ? Que je joue les petites frappes de banlieue ?"

Je reportais mon regard sur les vêtements qu'elles avaient choisi avec autant d'attention que l'on en prête aux pages boursières sur un journal. Avais-je déjà porté ce genre de fringues une seule fois dans ma vie ? Même lorsque, pour un tournage, je devais jouer les racailles, les producteurs s'arrangeaient toujours pour faire de moi une zoku de plus sexy ; avec ça, je n'étais pas certaine de pouvoir plaire à quiconque, même à un otaku de base. Je m'approchais doucement d'Ashura et de Yun Li et glissait à leur seule attention :

"Je vous rappelle que ce n'est pas moi qui suis recherchée par des types armés jusqu'aux dents... et je ne suis pas sensée avoir passé l'arme à gauche non plus ! De nous trois, je suis la mieux placée pour conserver le look qui me va le mieux !"

Je sentis que ma déclaration magistrale n'avait que peu d'effet sur les deux étrangères, surtout Yun Li qui espérait sans aucun doute profiter de cette occasion pour me rendre la monnaie de ma pièce. Un large sourire s'était installé sur son visage et je dois avouer que je préférais voir ça aux larmes qui avaient perlées tout à l'heure dans ma salle de bain. Peut être que je lui devais bien ça, peut être que si je me pliais à ce ridicule caprice, j'allais faire perdurer un temps ce sourire sur les lèvres de la petite chinoise. Le prix n'étais pas très élevé, de toute façon une fois que je me serais pavanée cinq minutes avec ces guenilles et qu'elles auraient choisi les leurs, je replacerai mes fesses à l'intérieur de la mini jupe qui leur allait si bien.
Je m'avançai, forçant un sourire qui devait paraître quelque peu artificiel, et leurs pris des mains le pantalon et le sweat-shirt jaune.

"Ashura, je ne pensais pas que tu retournerais ta veste comme ça... tu ne t'en sortira pas à si bon compte !"

D'un pas pressé, je me rendis dans une cabine d'essayage pour passer ces frusques le temps que les filles terminent leurs emplettes. Croyez moi, j'eus toutes les peines du monde à trouver comment enfiler correctement ce pantalon.

"Vous n'auriez pas une ceinture ?"

Prrrrrt... une ceinture ! Elle en avait de bonnes, la bimbo, tiens ! N'importe quoi ! Heureusement, Ashura était là pour lui expliquer la vie, sans quoi elle aurait vraiment eu l'air ridicule ! En attendant, Yun ne se privait toujours pas de se marrer et n'attendait qu'une chose pour en remettre une couche : que la japonaise sorte de sa cabine. Tout à coup, elle eut cette impression d'une intrusion dans son esprit et une vague image de baskets jaunes se dessina. Sans même comprendre les tenants et aboutissants, elle sut qu'elle n'avait pas imaginé ça mais que son binôme l'avait fait. Le simple fait de savoir qu'elles pouvaient communiquer comme ça l'impressionna et lui fit peur dans le même temps. Nan mais, c'était vraiment effrayant, quoi ! M'enfin, après être revenue de sa surprise, elle tourna la tête vers l'arabe et comprit que cette idée faisait partie de son plan machiavélique... parfait, parfait ! Avec un regard et un sourire complices, la chinoise alla fouiller dans les différents rayons chaussure, espérant trouver ces basketosaures le plus rapidement possible. Victoire ! Elle trouva ce qu'elle cherchait, ou presque... elle se moqua bien de la pointure, vu que de toute façon, elles seraient d'office bien trop larges, et revint voir Ashura en lui présentant sa petite trouvaille.

-"Bon, c'est pas vraiment l'même jaune que le pull, mais ça fera l'affaire !"

Elle-même n'aurait jamais eu l'idée de porter des monstruosités pareilles ! L'adolescente ne put s'empêcher de rire en imaginant la japonaise avec ça aux pieds... la vengeance est un froid qui peut parfois se manger chaud, tiens ! Yuzu aurait droit à la quintessence du kitsch pédestre. Rien n'était trop beau pour une starlette comme elle, après tout ! Savourant cet instant au plus haut point, la chinoise lança à l'attention de la japonaise qui tentait d'enfiler son pantalon correctement :

-"Hey, on a encore un p'tit cadeau pour toi ! Tu verras, tu seras pas déçue !"

Niark, niark, niark...

"Si ça tombe c'est que ça me va à ravir ? Même moi je ne porte pas mes pantalons aussi bas en dessous de mon str... " Dis-je plus à moi même qu'à l'intention de mes nouvelles amies dont je commençais à douter des bonnes intentions.

"Hey, on a encore un p'tit cadeau pour toi ! Tu verras, tu seras pas déçue !"

*Mais qu'est ce qu'elles m'ont encore ...*

Je vis passer sous la porte de la cabine d'essayage une paire de chaussure que j'étais pratiquement certaine d'avoir vu dans un restaurant italien, sauf qu'ils appelaient ça des calzone et non des chaussures.

"Les filles... vous êtes dures avec moi..."

Je mis mes petits pieds délicats dans ce qui me rappelait les chaussures de snowboard que l'on m'avait fait mettre pour une série télé se déroulant à la montagne, mais en plus bas et moins confortable. Vêtue comme un sushi pas frai de la tête aux pieds, je me contemplais dans la petite glace qui était à ma disposition et poussait un soupir de découragement. J'avais retiré mes collants, avec cette toile de tente comme pantalon c'était plus que recommandé, le bouton de la ceinture m'arrivait sous les hanches et me faisait une taille ultra basse. Moi qui avait tendance à porter mes vêtements un peu trop court, je me retrouvais avec un futale dans lequel on aurait pu en loger deux comme moi aisément. Trois pas dehors dans cet accoutrement et je me faisais coffrer pour exhibitionnisme. Le pull était lui aussi trop grand pour moi, et les manches me couvraient les mains entièrement. Je rabattis la capuche sur mes cheveux, laissant tomber ce couvre chef de fortune devant mon front jusque mes yeux. L'avantage qu'il avait était peut être celui là : il couvrait suffisamment le visage pour qu'une petite incursion dans le magasin ne me couvre pas éternellement de honte.

Quelque part au fond de moi, je sentis qu'un certain félin éprouvait une certaine satisfaction mêlée d'amusement à me savoir dans une telle situation.

*Soit maudit trois fois...*

"Bon... Je... je sors, mais ne vous moquez pas de moi !"

L'air maussade, je sortis de la cabine, tenant d'une main le pantalon pour en remonter la ceinture. Jamais je n'avais fait d'entrée en scène de façon aussi ridicule. Sous la capuche du sweat jaune, mes joues se teintaient de rouge et témoignaient de ma gêne sincère à me montrer ainsi vêtue. Je tâchais de trouver du réconfort à l'idée que cela amuserait certainement Yun Li que nous avions forcée à porter mes habits contre son gré, mais cette maigre satisfaction était gommée par le fait de savoir Ashura se délecter de ces déguisements saugrenus sans avoir à participer au défilé.

"Vous ne pouviez pas mieux choisir." Bredouillai-je, feignant la bonne humeur. Je doute que cela fut crédible en l'instant.

Omagaaaaawd ! Alors là, le résultat final était encore pire que prévu et l'image du gant n'arrangea rien au fou rire -général, semblait-il- de notre chinoise ! Sérieusement, Yun-Li elle-même n'aurait jamais osé porter ce genre de trucs ! Le genre de frusques qu'elle aimait porter n'avaient rien en commun avec... ce... ces... enfin, l'espèce de peau de pikachu que la japonaise portait. Il fallut quelques bonnes minutes à la chinoise pour réussir à se ravoir, n'ayant pas réussit à se retenir de rire en voyant la bimbo subitement transformée en... en quoi, d'ailleurs ? En un truc qui ne lui ressemblait pas du tout, ça c'est clair ! N'importe qui se retrouvant face à face à la japonaise en ce moment-même avait le droit de penser à une rencontre du troisième type ! Le pire, c'est sans doute que pas mal de clients s'étaient retournés vers le trio féminin et... ben... avaient eu un peu de mal pour réussir à se retenir de bien se marrer, quoi !

-"Alors là, c'est clair, on pouvait pas mieux choisir !"

Enfin, choisir, choisir... pour ce qui était de ce qui faisait office de pantalon, on ne pouvait pas dire que notre p'tite chinoise avait passé du temps à faire son choix, elle avait prit le truc le plus moche à portée de main et puis basta ! Bref, après quelques minutes, l'adolescente réussit à se ravoir et retrouva un semblant de sérieux, ne pouvant pourtant pas se départir de son sourire.

-"Magnifique, rien à redire ! Fringuée comme ça, j'suis certaine que tous les mecs seront à tes pieds ! Enfin... p'tet les nanas aussi, on va dire que ton genre n'est plus très évident !"

Bon, c'était magnifique, tout ça, mais y'avait quand même un truc qui inquiétait un peu la chinoise ! Non pas l'arrivée de photographes mais bien ces images mentales que l'arabe ne cessait de lui envoyer ! Le lien, là, elle ne s'y faisait vraiment pas. Il ne cessait de se développer, et c'était effrayant. La jeune fille n'en voulait pas, se disait qu'elle s'y ferait peut-être un jour, mais pour le moment... elle le rejetait de toute son âme. Il y avait bien trop de choses de son passé qu'elle voulait cacher, dont elle ne voulait plus entendre parler ; et aussi proches puissent-elles devenir, ce n'était certainement pas avec l'arabe qu'elle voudrait les partager. La chinoise n'avait qu'un seul jardin secret, un seul endroit bien à elle... et il était en train d'être envahit. Non, non et non, elle ne le permettrait jamais !

Des images mentales, d'accord, mais qu'est-ce que ça allait devenir ensuite ?

"Magnifique, rien à redire ! Fringuée comme ça, j'suis certaine que tous les mecs seront à tes pieds ! Enfin... p'tet les nanas aussi, on va dire que ton genre n'est plus très évident !"

"Haha.. ha... haha... je vais aller me changer, et on va vite sortir d'ici, d'accord ? Je vais retrouver mon genre que j'ai apparemment perdu, et tout ira bien !"

Disant cela, je reculais progressivement dans la cabine d'essayage quand la voile de bateau qui me servait de pantalon se coinça sous les palmes que j'avais au pied ; je perdis l'équilibre et commençai à tomber à la renverse. [1d10 : 8] Je réussis à agripper le rideau sans l'arracher à la tringle et à me cramponner au petit banc ou mes affaires étaient entassées pour ne pas m'étaler de tout mon long et me cogner la tête contre le mur. D'un point de vue physique, j'avais échappé au pire ; d'un point de vue moral, je venais de prendre une flèche en plein coeur. Ce pantalon tombait déjà assez bas sous mes hanches sans que je n'eusse à marcher dessus pour me le faire descendre jusqu'aux genoux. Je m'étais retrouvée à moitié défroquée, assise en vrac dans la cabine d'essayage d'un bouiboui sans nom avec une dizaine de paires d'yeux braqués sur moi, ceux de Yun Li et d'Ashura compris, bien évidemment.

Un étrange sentiment de honte mêlé de colère s'empara de moi et mes joues prirent la même teinte que ma veste. Depuis mon recoin, j'élançai violemment ma main gauche vers la droite et le rideau se referma d'un coup sec, me cachant ainsi aux yeux de mon indésiré public. En me relevant maladroitement, je pestai à voix basse contre ces vêtements qui avaient fait de moi la petite soeur d'Achille Zavatta et m'empressai de de les retirer pour les jeter par terre dans un excès de colère.

*Tous les mecs seront à mes pieds, hein ? Jamais je ne me suis sentie aussi ridicule ! Jamais ! Si je passe une heure tous les matins devant un miroir c'est pas pour me retrouver par terre avec un pull, enfin, ça...*

Mes pensées résonnaient si fort dans ma tête que, malgré la distance, le lien qui me reliait à Koneko c'était raffermi ; il se contenta de me transmettre ses encouragements et son soutiens au travers d'une seule phrase.

*La ferme, je dors.*

Pendant que je revêtais mes propres affaires, celle qui me seyaient le mieux à mon avis, je sentis mes yeux s'embuer. Je venais de me ridiculiser en public en acceptant de participer à une farce que mes deux nouvelles amies m'avaient improvisé sous le nez et mon compagnon de lien m'avait clairement insinué qu'il n'avait que faire de la détresse dans laquelle je me trouvais. Avec du recul, la situation me parait grotesque et ma réaction complètement exagérée, mais à ce moment, mon image et surtout l'image que les autres avaient de moi, ou plutôt de Yuzu Mizugashi, m'était extrêmement précieuse. Ce qui fait une idole est justement l'image que le public se fabrique sur elle ; retirez lui ça et vous lui retirez son job. Une petite scène comique dans un magasin de fringues de skaters n'aurait sans doute pas compromis ma carrière, loin de là, mais ma fierté venait d'en prendre un sacré coup.

J'essuyai rapidement ces larmes avec un mouchoir avant de ruiner mon maquillage. Il était hors de question de sortir avec une tête ravagée après ce qui venait de m'arriver.

... Hé ben dis donc, elle n'était pas très douée la japonaise ! Niveau maladresse, elle devait facilement se classer au top. Hé bien tant pis, qu'elle ait honte un coup elle aussi, au moins elles seraient à égalité toutes les deux ! Parce que niveau honte, elle devait toujours se balader dans un mini short qu'elle n'aurait jamais porté en temps normal et j'vous raconte pas comment ces espèces de grosses échasses sur lesquelles elle devait marcher étaient confortables... chacun son tour, comme on dit ! Les mains remplies de fringues en tout genre, notre chinoise avait vraiment l'impression de ressortir de l'une de ces horribles journée shopping entre filles qu'elle détestait tant... enfin, ce n'était pas une impression, mais disons que celle-ci était sensiblement différente. Il n'y avait pas besoin de passer dix ans en cabine d'essayage ni de choisir ses vêtements avec plus d'attention que nécessaire ! La séance shopping ne durait si longtemps que parce que l'arabe et elle devaient se refaire une garde robe complète.
Bref, il était temps d'aller voir ailleurs, comme le suggérait l'arabe en cet instant ! Où aller maintenant qu'elles avaient trouvé une belle masse de fringues ?

-"Manger un truc !"

Réponse des plus évidentes de la part de l'adolescente ! Une vraie morfale quand elle le voulait ! Elle pouvait passer ses journées à grignoter des saloperies, du matin au soir avec des biscuits ou chocolats dans les mains. Bref, la première chose qui lui était venue à l'esprit était de trouver un coin où manger, peu importe ce que la nourriture était ! Dans une rue marchande comme celle-ci, les odeurs qui flottaient avaient de quoi mettre l'eau à la bouche et il fallait avouer qu'elle y pensait depuis l'instant même où elle était arrivée ici. Après tout, les fringues ne s'envoleraient pas... la bouffe, elle, avait une espérance de vie bien plus faible ! Il fallait forcément la manger tant qu'elle était encore chaude, sinon ça ne servirait plus à rien.

-"Enfin, un ou deux trucs..."

Ça, par contre, elle n'avait pas osé le dire tout haut ! Franchement, c'était à se demander comment elle pouvait rester aussi fine tout en mangeant des cochonneries à longueur de temps... même durant les repas, on en arrivait à se demander comment elle pouvait caser tout ce qu'elle avalait dans son estomac ! Pauvre Xin... à l'époque, c'était elle qui en pâtissait le plus. Pâtissait, pâtisserie... hem, vous voyez le tableau, quoi ! La pauvre frangine passait probablement plus de temps à cuisiner de bons trucs qu'autre chose ! Ha, Xin... tant de bons souvenirs...

Les mots de remerciement d'Ashura m'avaient fait plaisir ; ils étaient sincères, j'appréciais cela. Quand je sortis de ma cabine, de nouveau moi même, Yun Li proposa d'aller nous restaurer. L'après midi était déjà bien entamé, manger quelque chose pour patienter et calmer la faim jusqu'au soir n'était pas malvenu. Cependant, je commençais à douter que mes goûts soient accordés à ceux de mes nouvelles amies ; nos façons de nous habiller étaient tellement différentes que je me demandais si elles n'avaient pas non plus des habitudes alimentaires aussi extravagantes.

"Je... Vous n'avez qu'à choisir un endroit pour manger un truc, je vous suivrai. De toute façon, je n'ai pas très faim."

Ce n'était pas totalement vrai, j'aurai très volontiers avalé une pâtisserie, mais je ne voulais surtout pas pousser Ashura et Yun Li dans un endroit où elles ne se sentiraient pas à l'aise. J'allais encore passer pour celle qui fait attention à sa ligne, mais au moins nous allions continuer cette journée entre fille, une journée dont j'avais envie depuis longtemps.

Spoiler:

Pour le moment, fini le shopping, place à la dégustation ! Le trio se promenait désormais dans la rue marchande remplie de bonnes odeurs qui en aurait fait baver plus d'un... miam miam ! Perdue dans ses pensées, scrutant chaque commerce à la recherche de quelque chose de bon à se mettre sous la dent, Yun ne remarqua même pas que son binôme s'était fait la malle un peu plus loin... du moins, pas jusqu'à ce qu'elle se fasse "agresser". Le lien, le fameux lien qui les unissait, la prévint que quelque chose n'allait pas. Immédiatement, envahie par ce mauvais sentiment et ce stress qui ne lui appartenait pas, elle se mit à chercher son élue du regard, pour la trouver empoignée par un grand black qui n'inspirait pas confiance. Heureusement, l'arabe s'en sortit seule, visant du genoux une zone des plus sensible chez le mâle. Aïe. Seulement voilà : Yun n'était pas du genre à fuir ou à se faire discrète, surtout quand elle met les pieds dans une situation du genre ! Du coup, pleine de bonnes intentions, elle rejoint rapidement Ashura... et la dépassa, se dirigeant vers le type plié en deux avec la ferme intention de lui montrer qu'on n'agresse pas les gens dans la rue comme ça.

-"J'vais t'apprendre à faire le chaud avec des gamines dans la rue, moi !"

Le pauvre bougre leva la tête pour voir qui lui parlait sur ce ton... pas de chance, cela lui valut un second coup de genoux ! Plutôt que de lui briser les bijoux (de famille), celui-là lui cassa le nez et les lunettes. L'homme ne s'écroula pas, mais il ne se priva pas pour lâcher un râle de douleur dont il se serait bien passé ! Son égo devait en avoir prit un coup, aussi... se faire tabasser par des adolescentes devant tant de monde...

-"Ben quoi, on dit plus rien ? Direct, quand c'est moi qui m'en mêle, on fait moins le malin, hein ?"

Dit comme ça, on pouvait avoir l'étrange impression qu'elle ne se considérait ni comme gamine dans le sens de l'âge, ni comme une gamine dans le sens du sexe. A vrai dire, c'était un peu ça... sur le coup, sans réfléchir, elle venait d'agir comme un mec qui protégeait une copine. Les bastons dans la rue avec les garçons, tout ça, ça lui avait forgé un caractère pas très féminin et elle avait parfois du mal à se considérer elle-même comme une jeune fille, alors il ne fallait pas lui en demander trop !
A côté de ça, si elle s'était précipitée vers le danger en sachant bien que ça aurait pu être dangereux pour elle, c'est à cause de sa frangine. Vous vous demanderez sans doute ce que Xin venait faire dans l'histoire, mais quand vous perdez la personne la plus chère à vos yeux parce qu'elle a été agressée, tabassée et tuée par une bande de sous-merde dans la rue... il suffit de voir une personne proche de vous se faire agresser pour réagir au quart de tour. L'espace d'un instant, elle s'était imaginée que l'arabe allait subir le même sort ! Elle ne se l'avouerait jamais, et Ashu' l'avait sans doute senti, mais notre p'tite chinoise avait eut peur pour sa partenaire l'espace d'un instant.

Maintenant, elle se tenait là, bien droite, bras croisés sous la poitrine, lançant un regard noir à l'espèce de businessman-agresseur qui avait encore un peu de mal à se redresser et dont le nez saignait désormais. Les gens regardaient la scène avec curiosité et la chinoise ne comptait pas en rester là, ha non alors !

Je fus quelque peu scotchée par ce qui venait de se passer devant moi : une agression en bonne et due forme avec une superbe défense d'Ashura qui avait valut au grand costaud une douleur que je n'osais imaginer. Plus prompt que moi à réagir, et sans doute grâce au lien qui l'unissait à Ashura, Yun Li bondit sur l'homme qui avait osé menacer la jeune arabe ; elle lui décocha un violent coup de genou qui fit voler sa paire de Bay Ran noires et lui brisa le nez.

Il avait une main sur son nez ensanglanté et une devant son entre-jambe, tâchant de se maintenir debout du mieux possible, lorsque j'arrivai à hauteur de mes amies. Il était déjà bien amoché, et je ne voulais pas risquer d'abîmer mes fringues pour le molester d'avantage ; en arrivant près de lui, je tendis le bras en avant et utilisant légèrement mon pouvoir, lui fis perdre ses appuis. Il tomba en arrière, cherchant à se rattraper avec sa main couverte de sang. Quand il fut assis par terre, les yeux levé vers les trois jeunes filles qui venaient de lui coller la raclée de sa vie, je tentais de le maintenir par terre. [1d10 = 7] Se sentant immobilisé au sol, son regard s'emplit d'incompréhension : il cherchait la cause de cette entrave invisible.

"C'est un ami à toi ? Tu nous présente, Ashura ?"

Au loin, je sentis une impression d'inquiétude. Mon crétin de chat se faisait du souci pour moi ; pas si insensible qu'il voulait le faire croire, finalement. Je lui transmis une impression rassurante, ne pouvant faire plus à cause de la distance.

Excuse-toi ? Il était sérieux, le gars ?! Les bras toujours croisés sous la poitrine, un sourcil levé, elle regarda ce grand dadais la pointer du doigt sans faire mine d'être impressionnée. Ashura, cependant, se mettait le doigt dans l'oeil jusqu'au coude si elle s'imaginait que notre chinoise allait s'en aller après s'être faite traiter de "bridée" par un black. Non mais, il se prenait pour qui, lui ?! La politesse, il n'avait pas envie d'essayer, peut-être ?

-"Tu sais ce qu'elle te dit, la bridée ? Et tu voudrais que je m'excuse, en plus ?!" L'adolescente pointa l'arabe du doigt avant d'ajouter : "Déjà, c'est sa faute à elle si j'suis venue te taper dessus, et j'vais pas m'excuser d'avoir voulu lui venir en aide, compte pas là-dessus !"

Non mais, c'était vrai, ça... si cette vilaine petite distraite ne savait pas reconnaître ses amis de ses ennemis, ce n'était pas la faute de notre chinoise. Il avait suffit qu'elle fasse un geste héroïque pour que ça se retourne contre elle... oui mais non, il y a des limites, quand même !

-"Puis si t'as quelque chose contre les chinois, tu peux très bien retourner dans ta hutte, là au moins t'es sur de pas en trouver !"

Ben quoi... s'il voulait la faire chier sur ses origines, l'inverse était largement possible. Après lui avoir lancé un regard dédaigneux, elle lui tourna le dos et rejoignit son élue, mains dans les moches, s'étant totalement désintéressée de ce pauvre type. S'il la cherchait, il la trouverait, c'était une certitude ! Et toute impulsive qu'elle était, notre adolescente était même prête à se servir de ses pouvoirs en public pour lui foutre la frousse de sa vie... la chose la plus stupide au monde, en effet, mais ce n'est pas comme si Yun Li était la plus mature des jeunes filles non plus.

-"Alors, on fait quoi maintenant ?"

Ainsi donc, elle fit comme si rien ne s'était passé... du Yunyun tout craché, ça !