une glace magique!

Xin sortit de la station de métro en fredonnant une chanson dont elle ne se rappelait plus le nom. Contrairement à d'habitude, le métro n'était pas bondé et elle n'eut pas à jouer des coudes pour se frayer un chemin jusqu'à la sortie. C'était l'un des avantages qu'elle appréciait de plus en plus à être à l'université : son emploi du temps était tel qu'elle avait plusieurs après-midis ou matinées libres en fonction des cours et des séminaires qu'elle suivait. Elle pouvait prendre les transports en commun en plein milieu de l'après-midi, comme cette fois là,sans avoir à se coltiner le rush caractéristique des heures de pointes. Tooru n'avait pas besoin d'elle au temple pour une fois et elle avait fait le travail qu'elle s'était assignée. Il devait être aux alentours de 15h30 lorsqu'elle s'aventura dans les rues marchandes de Katashura. Elle n'avait rien prévu d'acheter en particulier. Il faisait bon : c'était une journée ensoleillé avec juste une petite bise qui venait la rafraichir. Elle trouvait que c'était dommage de rester enfermée à la maison par un temps pareil. Elle préférait sortir se promener, et c'est ainsi qu'elle se retrouvait à flâner entre les différentes boutiques qu'offrait le centre ville. Une écharpe bleue turquoise protégeait sa gorge : c'était la seule touche de couleur de sa tenue. Elle portait un pull fin avec un col en V et une jupe longue, tous les deux blancs. Elle portait des mules blanches, elles aussi, avec un peu de talon. A son épaule gauche pendait un sac en toile, couleur crème, aux lignes simples. C'était un sac bon marché mais ça ne la dérangeait pas. Elle le trouvait pratique et même si il ne portait pas de marque elle l'aimait bien.

Xin marchait tranquillement, prenant le temps de regarder les vitrines et en général ce qu'il y avait autour d'elle tout en continuant à fredonner. C'était une bonne journée, elle en était persuadée. De bonne humeur, un sourire serein flottait sur son visage tout le long de sa promenade. De temps à autre, elle entrait dans une boutique lorsque la vitrine attirait son attention. D'autre fois, elle s'arrêtait juste le temps d'observer un détail, une décoration, une plante ou quoi que ce soit qui avait suscité son intérêt. Comme à son habitude, Xin était dans sa bulle. Elle ne se rendait absolument pas compte des quelques regards qui la suivaient, que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons, et elle était totalement inconsciente du danger qu'elle courrait...

Yun se baladait dans la rue marchande en fredonnant une chanson dont elle se rappelait parfaitement le nom. Comme d'habitude, l'adolescente aimait se promener seule dans les rues de la ville et voir du monde, profitant de l'été. Un des avantages de squatter chez la japonaise sans aller en cours était qu'elle avait un emploi du temps totalement libre, elle pouvait faire ce qu'elle voulait de ses journées sans s'inquiéter des conséquences. Ash' et la japonaise n'avaient pas besoin d'elle en ce moment, alors quoi de mieux que de profiter de la journée pour flâner dans les rues marchandes de Katashura ? La jeune fille n'avait pas l'intention d'acheter quoi que ce soit, juste de jeter un oeil distrait en profitant de son petit bain de foule. Il faisait bon : la journée était ensoleillée avec une petite bise rafraichissante, pile ce qu'il fallait ! Mains dans les poches de son jeans délavé et troué au niveau des genoux, son jeans d'homme large qui retombait fort bas sur ses hanches dévoilant ainsi légèrement la couleur noire de ce qui se trouvait dessous ; elle s'avançait au milieu d'une foule qui ne cessait de lui lancer des regards de travers. Baskets noires et blanches aux pieds, un simple tee-shirt bleu en guise de haut et des mitaines noires aux mains ; elle n'avait encore une fois pas pensé une seule seconde à mettre sa féminité en avant, juste son look garçonne et racaille qui en surprenait plus d'un ! Être bien plus jolie avec des fringues normales ? Rien à foutre ! Elle n'avait pas envie de s'habiller comme les autres, pas envie de se réconcilier avec son appartenance au sexe faible et encore moins envie de se coiffer l'matin ! Encore moins de passer des heures à chercher comment combiner harmonieusement ses vêtements chaque matin, on pouvait dire qu'elle avait vraiment le même sens de l'esthétique qu'un mec de base à ce niveau-là.

Yun marchait donc tranquillement, observant distraitement les différentes vitrines tout en continuant de fredonner. C'était une bonne journée, elle en était persuadée. De relativement bonne humeur, un sourire flottait sur son visage la majorité du temps, ne s'effaçant que lorsqu'elle lançait des regards noirs de tueuse à ceux qui la regardaient de travers. Loin de vivre dans sa petite bulle, elle ne supportait pas que les gens la dévisagent et ne se gênait pas pour le leur faire savoir, quand bien même ça signifiait se montrer agressive verbalement. Le pire, c'est que certaines des personnes qui se faisaient méchamment refouler ne pensaient pas spécialement à mal en la matant, ils la trouvaient juste... assez curieuse pour capter leur attention deux minutes, rien de plus. L'adolescente s'en fichait pas mal, elle avait trop connu de préjugés pour se dire que tous ces yeux qui se posaient sur elle ne cachaient pas de mauvaises pensées.

Et alors que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, la chinoise s'arrêta brusquement, yeux grands ouverts. Là bas, juste devant elle, une personne venait de s'arrêter pour observer une vitrine. Une personne qu'elle connaissait, une personne qu'elle avait perdue il y a des années. Une personne qui, en effet, courait désormais un grand danger ! Yun s'élança à toute vitesse, droit devant elle, tel un TGV. Vroum, vroum... elle ne se priva pas pour hurler, durant sa course folle, le nom de celle qui venait de provoquer cette réaction peut-être un peu excessive :

-"Xiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin !"

Un, deux, trois... impact imminent ! La pauvre T'chine allait découvrir les joies de se faire faucher par un train à grande vitesse en plein milieu d'une rue marchande ! Yun finit son petit marathon dans les bras de la dite Xin, sans laisser le choix à cette dernière. L'impact avait été rude, comme prévu, et des larmes silencieuses commencèrent à couler en abondance le long des joues de notre adolescente chinoise. Il y avait une petite phrase qu'elle avait toujours regretté de ne pas avoir dite à Xin avant qu'elle ne meure, et cette phrase, elle ne se priva pas pour la lâcher le plus rapidement possible, de peur que sa frangine ne disparaisse à nouveau avant de l'avoir entendue :

-"Wǒ ài nǐ..."

Et voilà, c'était pour le petit instant "culture linguistique" ! Serrant bien fort son ainée dans ses bras, notre trollette sans couettes ne réussit pas à empêcher ses larmes de couler, se fichant bien de ce que les autres pouvaient penser d'elle. Elle venait de pénétrer dans la petite bulle qui protégeait sa grande sœur des agressions extérieures, plus rien ne pouvait l'atteindre maintenant ! Ils pouvaient penser ce qu'ils voulaient, ils pouvaient se moquer, elle s'en fichait totalement ! Le bonheur qu'elle ressentait en cet instant n'aurait pu être gâché par rien au monde, sa frangine était juste là, devant ses yeux, dans ses bras ; en vie et en pleine forme... n'en revenant pas de sa surprise, elle répéta cette petite phrase magique en baissant le ton, de sorte que ce ne soit plus qu'un murmure.

-"Wǒ ài nǐ..."

Et voilà ! Pour la toute première fois depuis bien, bien longtemps ; Yun fondait complètement en larmes. Secouée de sanglots, elle ne pourrait plus rien dire avant de se calmer un peu. Là, c'était même la toute première fois de sa petite vie qu'elle pleurait de joie, et c'était quelque chose d'assez... perturbant... pour elle. Enfin, qu'importe les questions, qu'importe le pourquoi du comment ; une seule chose comptait désormais : Xin était vivante. Yun aurait du y penser plus tôt : si les gens pouvaient revenir à la vie, pourquoi pas son ainée ? Si elle y avait ne serais-ce que pensé, elle serait partie à sa recherche plus tôt, ou... ou... non, il fallait arrêter de penser à tout ça et simplement profiter du moment présent.
Les explications viendraient bien assez tôt.

Tranquille, Xin s'était arrêtée devant une boutique. Il s'agissait là d'un libraire d'occasion, qui semblait faire exprès de ne vendre que des vieux livres aux pages jaunies et à la reliure déchiquetée ou trop usée par le temps pour remplir correctement sa fonction première. La chinoise avait trouvé ça plutôt amusant que le libraire, apparemment pas très doué en publicité ou en communication vue la vitrine, ne fasse même pas semblant d'essayer de donner un air accueillant pour le commun des mortels à son magasin : de ce que l'on pouvait voir de l'extérieur, les bouquins étaient entassés de manières totalement hasardeuse formant des tours à l'équilibre précaire alors que les classiques se retrouvaient sous des livres d'images ou des livres érotiques. En observant cette scène, la jeune fille se demandait si elle avait le temps d'aller fouiner au milieu de tous ces livres et si, par un quelconque hasard, elle arriverait à y dénicher la perle rare. Elle était d'ailleurs tellement perdue dans ces pensées qu'elle n'entendit pas le cri qu'une adolescente poussait tout en fonçant sur elle. Le "Xiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin" retentissant que poussait l'espèce de locomotive chinoise ne parvint à ses oreilles que lorsqu'il était trop tard pour l'esquive. Xin ne se tourna vers la source de ce bruit qu'à la dernière minute, se demandant ce qui se passait alors qu'elle était tirée de sa rêverie.

L'espace d'un instant, elle vit une jeune fille aux cheveux en pétard et aussi courts que les siens, si ce n'est plus, courir droit sur elle sans montrer la moindre envie de ralentir, de s'arrêter ou de l'esquiver. Ayant un peu de mal à réaliser la situation, Xin ne bougea pas. Elle se contenta de regarder le boulet de canon humain durant quelques secondes avant de se le prendre de plein fouet. Et pour un boulet de canon, c'en était un. La preuve : notre chinoise tomba en arrière, se servant principalement de son arrière-train comme amortisseur. Le choque lui avait coupé la respiration durant une poignées de secondes alors qu'elle se demandait si elle ne s'était fait mal nulle part ailleurs qu'au popotin. Éberluée, elle se demanda qui pouvait bien lui en vouloir à ce point pour l'attaquer d'une manière aussi surprenant et sournoise, lui faisant un plaquage digne d'un joueur des All Blacks à la différence prêt que là elle ne se trouvait pas sur un terrain de rugby mais bien en centre-ville.

-"Wǒ ài nǐ..."

Voilà ce que venait de lui dire son agresseur, avec une voix qui lui rappelait bien des souvenirs; une voix qu'elle avait eu peur d'oublier et qu'elle avait rêver d'entendre à nouveau. C'était une voix familière et étrangement rassurante, la voix d'un être aimé. La voix de sa petite, toute petite sœur. Au début, elle hésita. Était-ce vraiment elle? Était-ce bien Yun Li, qui la retrouvait après que la mort les aie séparées? A nouveau, elle pouvait se voir, se parler, se toucher? D'une main tremblante, elle frôla légèrement l'épaule de la jeune fille qui pleurait contre sa poitrine. Elle n'osait pas la toucher réellement, trop effrayée qu'elle ne disparaisse ou qu'elle ne se brise, que ce ne soit qu'un simple rêve éveillé, une illusion. Pourtant, elle sentit les tremblements qui parcouraient Yun Li : ses sens lui confirmaient qu'elle était bien là, tout contre elle. A nouveau, elle hésita une seconde. Puis avec appréhension, elle posa une main au milieu de son dos. Elle la posa d'abord légèrement, comme on la pose sur un petit animal fragile que l'on veut caresser. Puis elle exerça plus de pression sur sa main et alla même jusqu'à agripper ses vêtements. Xin en avait besoin pour se rassurer et pour être sûre que sa petite sœur était bien là, dans ses bras, et que ce n'était pas un tour que lui jouait son esprit. Il lui était déjà arrivé plusieurs fois de croire entendre Yun Li l'appeler, ce que ce soit à l'université, au temple ou tout simplement dans la rue. plusieurs fois, elle avait cru l'apercevoir au coin d'une rue. Plusieurs fois, elle avait aperçu sa silhouette au milieu d'une rue bondée. Et à chaque fois, elle se rendait compte qu'elle se trompait, que ce n'étais pas elle mais une autre fille qui lui ressemblait. Et à chaque fois, l'émerveillement et l'espoir qu'elle avait ressenti en croyant avoir retrouvé celle qui était la plus chère à ses yeux se transformait en un désespoir profond, de la souffrance mêlée à de la frustration.

De sa main libre, elle caressa les cheveux de Yun Li alors qu'elle l'écoutait murmurer à son oreille qu'elle l'aimait. Elle ne put que souffler un "oui" tremblant et ému pour tout réponse alors que des larmes silencieuses coulaient le long de ses joues alors qu'un sourire étirait ses lèvres. Une joie encore plus forte que ce qu'elle aurait pu imaginer s'était emparée d'elle. Elle était là, à nouveau réuni avec sa sœur, celle qu'elle aimait le plus. Elle la berçait doucement, lui frottant le dos tendrement, en attendant qu'elles se calment toutes les deux. d'habitude, elle n'était pas vraiment du genre à faire des scènes et elle n'était pas non plus une habituée des effusions de larmes ou de sentiments en général mais là c'était plus fort qu'elle. Elle était incapable de se retenir et toutes les larmes qu'elle avait retenu au cours des mois de sa nouvelle vie semblaient s'échapper. Une fois plus ou moins calmée, arrivant à nouveau à contrôler ses glandes lacrymales, elle obligea Yun Li à se décoller suffisamment d'elle pour pouvoir la regarder en face. Elle était ridicule, avec ses yeux gonflés par ses pleurs et la morve qui lui coulait du nez. Xin, qui ne devait avoir l'air bien plus distinguée, ne put s'empêcher de rire alors qu'elle lui essuyait maladroitement ses larmes avec la paume de sa main.

-Ahaha! Regarde toi! Tu es belle tient!

Alors que de nouvelles larmes lui échappaient, elle serra à nouveau Yun Li dans ses bras. Elle desserra son étreinte et lui baisa le front avec tendresse avant de s'écarter un peu d'elle histoire de ne pas continuer à se faire écrabouiller par la pleurnicharde qu'elle avait en guise de charmante petite sœur.

-Bonjour, Yun Li.

Nan, ce n'était pas un rêve éveillé, Yun s'était blottie contre sa chère grande sœur et n'avait pas vraiment envie de s'en détacher, bien trop émue par ces retrouvailles tenant presque du miracle. Ne pouvant s'arrêter de pleurer, la jeune chinoise se laissa bercer par celle qu'elle avait tant aimé, incapable de se reprendre et se fichant pas mal des gens qui s'étaient même arrêtés pour les observer. Nah, elle se fichait pas mal du regard des autres en ce moment-même, seul celui de sa frangine avait de l'importance. La joie de pouvoir sentir son ainée contre elle, de pouvoir entendre sa voix rassurante, de pouvoir la contempler à nouveau était simplement trop forte. L'adolescente en avait rêvé plus d'une fois, avait cauchemardé plus d'une fois en revivant l'annonce de sa mort ; mais tout ça semblait déjà être si loin derrière. La vie n'était pas si cruelle, finalement ! Plus d'école où se faire humilier, plus de père violent et alcoolique... la vie que Xin et elle-même avaient rêvée se trouvait juste là, devant elle. Une vie meilleure que la précédente, une vie sans toute cette souffrance quotidienne. Lorsque l'ainée décolla la plus jeune pour l'admirer et la taquiner un peu, notre p'tite chinoise réussit à se calmer un peu et répondit d'une voix encore un peu tremblante :

-"Et toi alors ? Tu t'es pas bien regardée, on dirait !"

Yun avait sortit cette phrase en chinois, se fichant bien de tous ces japonais intolérants qui les entouraient. Il n'y avait qu'avec sa grande frangine qu'elle n'avait pas honte de ses origines, de toute façon ! Enfin, honte... ce n'était pas quelque chose qu'on pouvait afficher avec fierté dans ce pays, disons. En tout cas, il semblerait que l'étreinte fraternelle soit terminée et notre chinoise ne put que sourire un peu plus au bonjour de sa sœur.

-"Yop, Xin."

Elle se releva enfin, les yeux toujours un peu rouges et humides. Les deux chinoises devaient avoir eu fière allure, à s'enlacer par terre, comme ça ! Yun tendit la main pour aider sa frangine à se relever et continua sur sa lancée, c'est à dire parler en chinois. Plus ou moins certaine que personne ne comprendrait ce qu'elle dirait dans sa langue natale, elle s'autorisa à parler de la mort et de ce qui peut arriver après à sa frangine, ne serais-ce que brièvement, pour lui expliquer qu'elle comprenait ce qu'il se passait et qu'il n'y avait pas besoin de longues explications là-dessus.

-"Finalement, ils ne sont pas arrivés à nous séparer ! Ta mort, la mienne et tout... j'ai tellement rêvé de pouvoir te retrouver... et finalement, ça y est !"

Encore un peu plus et on aurait eu l'impression que ça allait repartir pour une nouvelle crise de larme ! Heureusement, elle réussit à se retenir, se sentant un peu honteuse de s'être laissée allée à un tel spectacle larmoyant en public alors qu'elle se vantait toujours d'être une fille forte et que son look ne collait pas du tout à son caractère du moment. Sachant très bien que cette initiative de sa part pourrait sans doute paraître un peu bizarre, elle se permit de prendre la main de son ainée dans la sienne... juste au cas où... pour s'assurer une dernière fois qu'elle était bien, et qu'elle ne disparaîtrait pas dans un nuage de fumée sans laisser d'autre trace qu'un bonheur éphémère. Toujours dans sa langue natale, qu'elle comptait parler sans cesse avec sa frangine, elle décida de profiter de cette journée déjà bien agréable en joignant l'agréable à l'encore plus agréable.

-"Maintenant que t'as eu le malheur de me retrouver, j'espère que t'es au courant que tu devras tout me raconter de ce qu'il t'es arrivé depuis que t'es... revenue à la vie ? Et tout ça devant une bonne glace, évidemment !"

Un nouveau sourire vint illuminer le visage de notre chinoise, même si on pouvait encore voir les traces de sa pleurnicherie.

-"J'veux tout savoir sur ce que tu deviens, compte pas sur moi pour te lâcher d'une semelle maintenant ! Tu m'a beaucoup trop manqué pour ça."

Xin ria légèrement, juste suffisamment pour que ses épaules tremblent mais sans que quiconque ne puisse l'entendre. D'accord, c'était bien sa petite sœur qu'elle avait planté devant elle. Même pleine de morves et de larmes, les yeux rougis par les pleures et un tantinet bouffis, elle ne pouvait s'empêcher de faire la forte tête et de répondre à sa boutade pour une petite pique défensive. Bien sûr, Yun Li en aurait offensé plus d'un à rétorquer de but en blanc des paroles peu sympathiques de manière aussi spontanée que fréquente, mais l'ainée des Xiāo Hàn savait pertinemment qu'elle ne faisait cela que pour masquer son embarras. Après avoir passé pratiquement toute sa vie près d'elle, à s'occuper d'elle et à partager avec elle toute sorte de secret, elle savait parfaitement que sa petite sœur était souvent trop fière pour avouer que quelque chose pouvait l'embarrasser et qu'elle se mettait sur la défensive dès qu'elle était quelque peu mal à l'aise ou gênée. Et le fait qu'elle soit encore dans cette période difficile de la vie appelée communément adolescence ne faisait rien pour aider. Ou du moins, c'est ce dont elle s'était persuadée.

Néanmoins, Xin prit tout de même note : elle sortit un mouchoir de son sac, se tamponna les yeux avec afin d'y faire disparaitre les dernières larmes qui se bousculaient aux coins de ses yeux avant de se moucher. Elle ne remarqua même pas que sa benjamine lui parlait en chinois. Elles avaient toujours utiliser cette langue lorsqu'elles discutaient, que ce soit à la maison où dans un lieu public; aussi cela l'aurait surprise si Yun Li lui avait parler en japonais plutôt qu'en chinois mais non l'inverse : employé leur langue maternelle entre elles était la chose la plus normale et naturelle. D'une manière générale, lorsqu'elles se retrouvaient toutes les deux, Xin quittaient le monde du mortel des communs pour s'enfermer dans celui qu'elle s'était créer avec sa précieuse sœur, et ce n'était qu'avec beaucoup de difficulté qu'on la faisait revenir sur notre planète. Et encore, elle n'y était jamais totalement même lorsqu'elle était séparée de Yun Li, alors vous imaginez bien que le mieux que l'on pouvait tirer d'elle lorsqu'elles étaient réunis était d'avoir la moitié de son attention. Dans ces moments là, c'était comme si la moitié de Xin était là, mais que l'autre moitié de la jeune femme était dans un lieu inaccessible et que l'on ne pouvait qu'admirer fugacement de loin.

-"Finalement, ils ne sont pas arrivés à nous séparer ! Ta mort, la mienne et tout... j'ai tellement rêvé de pouvoir te retrouver... et finalement, ça y est !"

-Oui. Toujours ensemble. On restera toujours ensemble, comme quand on était petite. Après tout, c'est une promesse!

Une ombre fugace avait traversé le regard clair de Xin au moment où Yun Li évoqua leur mort, enfin surtout la sienne. Yun Li avait terminé par se suicider et Xin en fut terriblement attristée lorsqu'elle avait appris la nouvelle. Elle s'en était voulue, elle se sentait coupable quelque part et avait eu l'impression d'avoir abandonné sa petite sœur, la seule personne qui importait réellement à ses yeux, même si elle savait pertinemment qu'elle n'y était pour rien et qu'elle n'avait rien à se reprocher. Après tout, c'était quand même elle qui s'était fait assassiner après s'être fait battre à mort, et ça faisait longtemps que la vie l'avait quitté lorsque Yun Li avait renoncé à la sienne. Mais Xin ne s'attarda pas sur ce détails pas si petit que ça : elle ne voulait pas gâcher leur retrouvailles en la réprimandant. De toute manière, elle savait qu'elle aurait bien d'autres occasions de lui expliquer avec véhémence son point de vue quant à son suicide. A ce moment là, tout ce qui lui importait était d'être réunie avec sa petite sœur chérie : rien que le fait d'y penser balayait tout le reste de son esprit. Elle avait gracieusement acceptée l'aide de la plus jeune des deux pour se lever et elle n'avait pas bronché lorsqu'elle lui avait pris la main, bien au contraire. Après avoir cru l'avoir perdue pour de bon, un contact physique direct était plus que le bienvenu : cela lui prouvait que cette réunion n'était ni un rêve, ni une illusion, mais bel et bien la réalité. Une réalité qui ressemblait à un conte de fée un tantinet macabre.

-"J'veux tout savoir sur ce que tu deviens, compte pas sur moi pour te lâcher d'une semelle maintenant ! Tu m'a beaucoup trop manqué pour ça."

Riant, Xin cogna doucement son épaule contre celle de Yun Li en un pur geste d'affection.

-Toi aussi tu m'as manquée. Je pensais à toi tous les jours depuis que... je suis revenue. Allez, suit moi, je connais un bon glacier!

La jeune femme ouvrait le chemin et se dirigea avec assurance. Elle entra dans une rue perpendiculaire à l'avenue piétonne puis s'engouffra dans une autre pour finalement arriver sur une placette avec, trônant en son centre, un espace de verdure offrant une bouffée d'oxygène au milieu de cette ville à l'air pollué. Elle n'avait pas lâché la main de Yun Li durant tout le trajet alors qu'elle marchait un demi pas devant elle pour pouvoir la guider, alors que toutes sortes de question lui traversaient l'esprit. Cependant, elle n'osa en formuler aucune et se contenta de sourire bêtement, tournant régulièrement son visage irradiant de bonheur vers celui de sa sœur. Aussi étrange que cela puisse paraitre, elle n'arrivait pas à se résoudre à parler et à poser ces questions qui lui brûlaient les lèvres, tandis qu'elle avait un autre de drôle de sentiment : au final, peu importait les réponses que Yun Li lui donnerait, elle s'en fichait à partir du moment où elle était avec elle. Vu de cette manière là, satisfaire sa curiosité était le cadet de ses soucis.

Une fois arrivée devant un bâtiment blanc aux grandes baies vitrées, elle lança un "On est arrivé" triomphant. Les deux jeunes filles s'approchèrent du magasin alors que Xin réfléchissait à ce qu'elle allait bien pouvoir prendre. depuis la vitrine on pouvait voir des glaces de toutes les couleurs disposées en deux lignes, composées chacune de plus de dix baques. Peut-être quinze. Une rangée de tables en bois avec leurs chaises assorties faisaient face au présentoirs, quelques unes étant occupées. Quelques personnes les regardèrent du coin de l'œil alors qu'elles s'installèrent à une table accolée à la fenêtre, vers le fond de la pièce. Mais la chinoise ne prêta aucune attention aux autres clients : elle était trop occupée à choisir sa glace. Lorsque le serveur lui demanda ce qu'elle voulait, elle n'avait pas encore tout à fait décidé. Elle demanda alors, incapable de se décider, une boule de chacune de ses trois glaces préférées : thé mâcha, rose et pâte d'amande. Une fois les commandes passées et les délices plus que froids servis et entamés, Xin fixa son regard bleu dans celui de Yun Li.

-Depuis quand tu es là? Et comment tu fais pour te débrouiller?

Les deux premières questions annonçant un torrent de questions qui risquerait de noyer Yun Li si on ne les arrêtait pas rapidement...

Hé, hé... ainsi, sa frangine connaissait un bon glacier, mais c'était parfait ! Yun ne connaissait pas encore bien la ville et avait parfois un peu de mal à s'y retrouver. Le fait que Xin connaisse si bien l'endroit prouvait au moins deux choses : qu'elle vivait ici et qu'elle était toujours aussi gourmande. Les deux filles marchèrent donc jusqu'au paradis du dessert glacé main dans la main sans aucune honte, se moquant bien d'avoir l'air cruche ou non. Non mais, après tout, elles faisaient ce qu'elles voulaient de leurs vies et ceux qui se moqueraient seraient juste jaloux de ne pas avoir de relations aussi bonnes avec leurs fratries, c'tout ! Elles n'y pouvaient rien si elles s'aimaient autant que ça, après tout, et ça n'avait rien de bizarre du tout aux vues de tout ce qu'elles avaient vécu jusqu'ici. L'une ne pouvait compter que sur l'autre, et inversement ; même si c'était Yun la plus dépendante des deux, sans un sens. Bref ! Elles arrivèrent au glacier et allèrent s'installer à une table près de la fenêtre avant de prendre leurs commandes. Notre jeune chinoise ne résista pas à l'envie de se prendre trois belles boules, à l'instar de sa grande sœur, mais aux saveurs plus classiques : vanille, fraise et chocolat. Le visage de notre pseudo-racaille s'illumina de plus belle lorsqu'on lui apporta sa commande, qu'elle ne tarda d'ailleurs pas à entamer ! Lorsqu'elle leva à nouveau le regard vers sa frangine, celle-ci la regardait et elles finit par ancrer ses yeux bleus dans ceux de sa grande sœur.

-"Ha, je ne suis revenue qu'il y a... quelques jours."

Yun observait toujours le visage de sa grande sœur, le sourire aux lèvres, en oubliant légèrement sa glace qui serait en état de fonte avancé lorsqu'elle déciderait de l'achever.

-"Toute cette histoire, c'est juste... enfin... je ne suis pas au courant de grand chose, juste que j'ai un élu."

La question suivante, maintenant. Ben... on ne pouvait vraiment pas dire qu'elle se débrouillait, on s'occupait d'elle surtout ! Et ce n'était pas pour lui déplaire, dans un sens. M'enfin, elle devait aussi avouer que ce nouveau mode de vie plein de richesses n'était pas sa tasse de thé et qu'elle préférait profiter des bienfaits de la rue le plus souvent possible, n'aimant pas sans cesse rester enfermée dans le luxe.

-"Je squatte chez une starlette avec mon élue, on peut pas dire que je manque de quoi que ce soit... Yuzu Mizugashi ça te dit quelque chose ? Une actrice qui doit être un peu plus âgée que toi." Beaucoup de gens tournèrent la tête vers elle lorsqu'elle prononça le nom de l'actrice, comme quoi... elle devait avoir du succès. A moins que ce ne soit parce que ces clients frustrés de ne rien comprendre à leur conversation venaient enfin de capter quelque chose, qu'ils pouvaient enfin deviner en partie de leur sujet de discussion ? Peu importe, quoi qu'ils puissent penser, ils avaient tout simplement tord. "Par contre, la cohabitation est pas facile tous les jours... cette nana, c'est une... enfin, ce genre de nana qui passe des heures à se maquiller tous les jours, qui s'exhibe partout avec quasi rien sur le dos, tout ça. Tout c'que j'aime pas, quoi !"

Notre jeune chinoise se replongea enfin dans sa glace, qui devenait un peu trop juteuse à son goût, et attendit d'en avoir engloutit une bonne partie avant de continuer son petit monologue du moment.

-"Puis mon élue, ça va... elle vit aux crochets de la pouf richissime comme moi, elle se fringue comme moi, elle est... ben, un peu comme moi, quoi ! Aussi casse-pied que j'peux l'être, aussi, même si tu dois penser que c'pas possible !" Là, Yun ne put s'empêcher de sourire. Au fond, elle savait bien qu'elle pouvait parfois avoir très mauvais caractère. "Mais même là, c'est pas facile... l'espèce de lien entre elle et moi me pèse un peu... c'est comme si je pourrai jamais avoir de secrets pour elle, comme si je n'aurais plus jamais d'intimité, ni rien... c'chiant !"

Rien que pour ça, elle tentait de mettre le plus de distance entre elle et son arabe de binôme, parce qu'elle ne pouvait pas encore accepter le fait que l'autre puisse tout savoir d'elle, jusqu'aux détails les plus intimes, à cause d'un lien tout naze qui lui assurait pourtant sa seconde vie ! Maintenant, cela voulait probablement dire que Xin avait un élu elle aussi, pas vrai ? S'intéressant au plus haut point à la vie de sa frangine, notre petite chinoise ne se priva pas de s'imaginer à quoi il pouvait ressembler, à quoi pouvait ressembler la relation qu'elle entretenait avec lui... ou elle ? Dans le fond, elle espérait pour sa sœur que ce soit une femme. Absolument tout devoir partager avec quelqu'un, c'est techniquement plus simple quand l'autre est du même sexe, non ? Techniquement, parce que dans le cas de Yun, ce n'était pas vraiment ça...
Histoire de blaguer un peu, l'adolescente sourit de toutes ses dents et demanda à sa frangine avec un air espiègle (qu'elle n'avait qu'avec cette dernière, de toute façon) :

-"Alors, depuis combien de temps t'es là, toi ? Et ton élu, il est comment ?! J'suis sure que t'es tombée sur un mec sexy ! Avoue !"

Xin écouta attentivement ce que disait sa petite sœur. Sa main gauche, sa main dominante, restait suspendu en l'air comme si elle s'apprêtait à plonger sa cuillère dans sa glace qui elle n'attendait rien pour fondre. Sa main droite était posée à coté de sa coupe, inerte, la paume tournée vers le haut. Elle garde son regard bleu posé sur Yun Li. Cela l'aidait à se concentrer sur ce qu'elle lui disait : hors de question de rater la moindre miette d'information. Cela faisait trop longtemps qu'elle n'avait pas vu son double maléfique et Xin voulait tout, absolument tout, savoir de lui. Apprendre que ce petit diable aux yeux bleus avait trouvé où se loger, et en plus dans des conditions très privilégiés, lui apporta une certaine satisfaction bien que le fait que Yun Li vivait désormais dans l'opulence ne lui suis absolument pas imputable. Elle était juste satisfaite de savoir que sa petite protégée allait pouvoir vivre confortablement et manger à sa faim. Xin se fit d'ailleurs la réflexion qu'elle devrait remercier cette Yuzu Muz.. Moz... Machin - dont elle n'avait bien entendu jamais entendu parler - pour prendre soin de sa cadette. Et aussi son élue. Mais bizarrement, elle n'en avait pas trop envie. L'idée que Yun partage tout avec quelqu'un d'autre, littéralement tout et donc plus qu'avec Xin, ne lui plaisait pas plus que ça. Peut-être avait-elle l'impression que sa place allait être menacée par cette inconnue, d'autant plus qu'elles avaient l'air d'avoir beaucoup en commun ces deux là : même genre, même style, même capacité à être invivable... Xin ne put s'empêcher de laisser une légère moue tordre subtilement ses lèvres lorsque ces pensées traversèrent son esprit.... moue qui fut suivit par un soupir désespéré alors que Xin secoua la tête de gauche à droite, en partie pour chasser ses idées noires.

-...Si seulement! Mais non! Mon élu est un espèce de prêtre shinto sans aucune manière, passant du coq à l'âne sans arrêt doublé d'une vraie feignasse. Sans compter qu'il n'est pas loin de se transformer en otaku. D'ailleurs, sa dernière obsession c'est les magical girl. La maison est pleine de cochonnerie magical girl, genre des figurines, des posters... Il a même commandé une taie d'oreiller avec imprimé dessus l'une de ses magicals girls préférées! Et il voulait me déguiser en cette même héroïne! Heureusement, j'ai réussi à l'arrêté avant qu'il n'achète le costume grâce à notre... "connexion". Même si cette "connexion" est assez... troublante la plus part du temps - je te raconte pas ce que je capte de lui... croit moi, ça vaut le détour - elle est quand même bien pratique pour le garder un minimum sous contrôle. Il y a des jours où je me dis que je suis sa nourrice plus qu'autre chose. D'ailleurs... tu n'es au courant de rien, vis-à-vis de ta nouvelle vie? Rien de rien?

C'était tout de même bizarre... Bon, d'accord, Yunyun n'était revenue à la vie il n'y avait que quelque jours, mais c'était tout de même étrange. Je veux dire, Xin avait découvert que très peu de temps après être revenu parmi les mortels. Yun Li ne se serait-elle aperçu de rien encore? D'un autre coté, c'est vrai qu'avoir pour élu un prêtre versé dans les arts occultes avait peut-être facilité deux ou trois choses au niveau de la prise de conscience de ses nouvelles faculté...

Niveau jalousie, Xin n'était pas seule ! Yun non plus, n'aimait pas vraiment le fait qu'un inconnu puisse partager plus de choses avec sa sœur qu'elle ! Inadmissible ! Mais ça ne servait à rien de rouspéter là-dessus... s'il fallait vraiment faire ce petit "sacrifice" pour que sa frangine reste en vie, qu'il en soit ainsi. Quant au reste... c'était toujours amusant de voir sa grande sœur râler à cause de l'incompétence et des défauts de quelqu'un ! Attention, Xinette, qui aime bien châtie bien ! Au fond, l'adolescente était persuadée que sa frangine ne trouvait pas son élu si naze que ça... héhé ! Du coup, elle ne put s'empêcher de sourire tout le long du discours de son ainée. Même s'il fallait reconnaître que le trip des magical girl... bon, c'est pas le meilleur qu'on puisse trouver dans ces produits japonais ! M'enfin, l'idée de voir Xin déguisée en magical devait valoir le détour et rien que pour ça, Yun venait de décider de faire son p'tit démon et d'inciter le fameux prêtre à trouver le déguisement quand elle le rencontrerait ! Parce qu'elle le rencontrerait, c'était évident : elle voulait absolument savoir à quoi ressemblait l'élu de sa sœur.

-"Je sais à quel point la connexion est chiante, t'en fais pas pour ça... je capte pas encore grand chose et j'essaie d'émettre le moins possible, mais... enfin... ça m'fait un peu peur tout ça !" Et voilà, maintenant, on détourne le regard et on rougit -très- légèrement ! Yun-Li qui a "un peu peur" de quelque chose, une grande première ! Même si, pour sa défense, cet univers de magie et tout le tralala était si soudain pour elle ! Personne ne pouvait s'y adapter aussi rapidement que ça et sans se poser des questions et s'inquiéter. "J'passe la plupart de mon temps à me balader et à m'éloigner, ça me rassure et j'arrête enfin d'avoir l'impression qu'on est en train de squatter dans ma tête !"

Heureusement qu'elles parlaient chinois et que personne ne pouvait les comprendre, sans quoi on les aurait pris pour des folles ! Enfin, pour ce qui était de la seconde question... si, l'adolescente savait deux ou trois trucs. La magie, les marchands d'esclaves... des choses dont elle aurait préféré ignorer l'existence, quoi ! Mais... étais-ce vraiment le moment pour parler de tout ça à Xin ? Dans un sens, elle ne voulait pas gâcher ces retrouvailles et dans un autre, elle ne voulait pas mentir en répondant, même par omission. Maintenant, elle ne voulait plus jamais cacher quoi que ce soit à sa grande sœur, même si le révélations se feraient sans doute petit à petit. La jeune fille avait déjà perdu sa frangine une fois, elle n'avait plus envie de lui cacher quoi que ce soit, elle voulait profiter d'elle tant qu'elle le pourrait !

-"Ha, si, je sais quand même deux ou trois trucs... je sais que si mon élu meurt, j'y passe aussi ; je sais aussi que même s'il meurt je peux me lier à quelqu'un d'autre ! Je sais que j'ai des pouvoirs magiques, même si j'suis encore loin de les maîtriser, et j'sais que des dingues sont après nous pour faire de nous des esclaves et nous revendre à cause de notre magie... et c'est à peut près tout. J'sais pas pourquoi, ni comment, ni... fin' voilà quoi. J'ai découvert tout ça dès le premier jour... mon élue c'pas ma vraie élue, j'en ai eu un autre avant, que j'ai même pas eu le temps d'apprendre à connaître vu la balle qu'il s'est prit dans la tête. Les gars qui lui ont fait ça m'ont emmenée et j'peux pas dire que j'ai été bien traitée, ils étaient odieux et parfois un peu violents... tout c'qui les intéressait chez moi, c'est le fric qu'ils pourraient obtenir de moi et mes pouvoirs que j'avais pas encore !" Bon, d'accord, avouer qu'ils avaient été violents, tout ça, ce n'était peut-être pas la meilleure chose à faire... il fallait vite rassurer cette pauvre Xin ! "Ha, mais t'en fait pas, hein ! J'vais très bien et les flics doivent avoir embarqué ces salauds à l'heure qu'il est ! Mon élue et la personne chez qui je squatte m'ont sauvée et se sont occupées d'eux, tout va bien maintenant !"

Bon... espérons que ça la calmerait assez ! Vite, changeons de sujet.... voyons...

-"Hé, tu m'emmèneras voir ton élu, hein ? Moi aussi j'veux te voir en magical girl !"

Voilà ! Si le choc de cette révélation n'était pas assez violent pour détourner l'esprit de Xin de cette histoire de kidnappeurs violents, plus rien ne pourrait le faire !

Xin hocha avec conviction la tête lorsque sa petite sœur lui parla de la ligne directe "cerveau élu-cerveau zombie" qui caractérisait leur nouvelle vie respective. Oui, cette connexion n'était pas exactement ni confortable, ni appréciable, même si elle pouvait se révéler pratique pour appeler à l'aide ou pour agir avant que son élu face une énorme boulette des plus crétines comme vider les comptes sous prétexte qu'il lui manquait juste la figurine de Mew et que pour la trouver et qu'il allait donc avoir besoin d'acheter tous les K♥nder Supr♥se (pas de publicité, c'est paaaaaaaas bien) des supérettes du quartier pour la trouver (Mew est super rare, d'après ce qu'il avait dit...). Rien que d'y repenser, Xin était passablement irrité et failli tordre la cuillère qu'elle tenait dans sa main... ou plutôt son poing très fortement serré. Il ne faut pas sous-estimer la force d'une miko-maitresse du foyer... D'ailleurs, son élu Tooru l'avait découvert à ses dépens lorsqu'il avait essayé de se défiler alors qu'il devait présider une cérémonie. Au début, les fidèles du coin n'avaient pas vu l'arrivée de Xin d'un très bon oeil, mais depuis qu'ils ont réalisé l'influence positive que cette dernière avait sur leur prêtre et ce à grand coup de poêle, balais et menaces systématiquement mises à exécution lorsqu'on ne lui obéissait pas; ils étaient devenus des fans inconditionnels de la jeune fille. Certaines femmes au foyer du coin lui faisaient d'ailleurs régulièrement des allusions plus que douteuses...

Xin ne fut ramener à la réalité que lorsque Yun Li parla de ces "dingues" qui les pourchassaient afin de les mettre en captivité pour des motifs obscures et peu rassurants. Voilà qui étaient inquiétants surtout que les dires de sa chère petite sœur allait dans le sens de certaines insinuations que lui avait fait Tooru. Xin se doutait depuis un petit moment déjà qu'elle n'était pas vraiment sécurité. Depuis qu'elle avait découvert ses pouvoirs et que son élu lui avait dit de ne jamais les utiliser à partir du moment où quelqu'un pourrait s'en apercevoir et réaliser ce qu'elle était réellement... Les inquiétudes de Xin ne fit que croitre alors que Yun Li lui racontait ce qui lui était arrivé, et une ombre de chagrin vint assombrir ces retrouvailles. elle se mordilla la lèvre inférieur, ne sachant que répondre. Xin avait eu de la chance. Beaucoup de chance, même. Mais ça avait été différent pour son bébé de petite sœur. Témoin d'un meurtre, elle avait été capturée pour être vendue. Heureusement, quelqu'un ou plutôt sa nouvelle élue, avaient été là pour la secourir. Xin se dit que décidément, elle devrait la rencontrer et la remercier pour prendre soin de Yun Li... et que si jamais elle croise ceux qui avaient osé faire ça à sa petite sœur, la personne la plus importante de sa vie, ils regretteraient d'être né. De toute manière, l'humanité se porteraient bien mieux sans ces déchets, leur perte serait bénéfique en réalité... Puis une question "innocente" la tira brusquement de ses idées noires.

-Oh, euuuh... Tu sais je suis pas sûre que ce soit si intéressant que ça. Je pense même que ce serait ennuyeux, aucun intérêt. Ça t'irait bien mieux, la petite jupette à froufrou et le spectre rose... Par contre, c'est quand que je visite là où tu dors et que tu me présentes ton élue? Humm?

-"Q..Quoi ?!"

Non mais elle avait mal entendu, là, ou quoi ? Elle ? En magical girl ?! Avec une jupe à froufrou et du rose partout ?! Mais n'importe quoi ! Alors ça, c'était juste fait exprès pour l'embêter ! Xin savait très bien que Yun n'avait jamais été très féminine, alors aller jusqu'à porter ce genre... de... frusques... ha non, alors, impossible ! M'enfin, même si ce n'était qu'une blague, notre jeune chinoise ne savait pas si sa frangine avait vraiment l'intention de la déguiser ou non... Xin, ou comment retourner une situation en sa faveur en deux secondes !

-"Non mais c'était une blague hein ? Tu m'imagines pas vraiment avec... ça... sur le dos, hein ?"

Non, parce que notre pauvre Yun était incapable de lutter contre la volonté toute puissante de sa grande sœur ! Il suffisait d'un regard de chat botté à cette dernière pour obtenir tout ce qu'elle voulait de notre p'tite chinoise, même ça... l'adolescente était consciente de sa faiblesse mais elle ne pouvait rien faire pour lutter, la volonté de la personne la plus précieuse à ces yeux dans ce monde tout naze passait avant tout ! Encore plus maintenant que la mort les avait séparées une fois. Argh, quelle horreur que ce sister complex ! Bref, du coup, il suffirait à Xin d'insister un peu pour que Yun se retrouve déguisée en barbe à papa en jupette et ça, malgré tout, même si c'était pour lui faire plaisir... ce serait la mort dans l'âme ! Alors autant essayer de la dissuader de cette idée saugrenue la plus rapidement possible !

-"Héhé... non, parce que tu sais bien que c'est pas du tout ma tasse de thé... et puis ce ne serait vraiment pas intéressant non plus ! Et puis... et puis... comment tu peux oser dire que ça m'irait mieux qu'à toi ? Non, parce qu'il parait que c'est toi la seule vraie fille d'la fratrie, alors ça m'étonnerait beaucoup ! Si y'en a bien une qui est mieux placée que l'autre pour porter ça, c'est toi, princesse !"

Non mais ! Ça, c'était irréfutable, comme argument ! Beaucoup de gens le lui disaient, à commencer par l'homme qui l'avait adoptée et se disait être son père... toujours à la critiquer, à lui demander de se comporter comme une vraie fille et non pas comme un garçon manqué. Il n'avait rien à dire, mais bon, il ne se privait pas. Et dans un sens, c'est vrai qu'on trouvait plus féminin qu'elle, alors du coup, ce genre de trucs... non, décidément, Xin était de loin la mieux placée, point final, fin de la discussion ! Même si ça lui faisait froid dans le dos de savoir que sa frangine pouvait l'imaginer dans ce genre d'horrible tenue ! Brrrr ! Bref, elle secoua la tête pour chasser ces terribles pensées et réfléchit quoi répondre à la dernière question... l'emmener voir Ashura, hein ? Hum....

-"Ben écoute, j'veux bien t'emmener là où je dors, mais j'veux voir comment c'est chez toi aussi !" ... Même si ça lui faisait mal d'impliquer le fait de ne pas vivre dans le même endroit que sa sœur. "Ton élu a l'air marrant, j'ai envie de l'embêter aussi !"

Et l'inciter à faire des bêtises, tralala...

-"Allez, emmène moiiii !"

Oh si, elle l'imaginait avec ça sur le dos. Elle l'imaginait mêem très bien, ce qui expliquait cette immense sourire à la fois béat et moqueur fleurissant sur son visage et qui lui donnait un air presque enfantin. Xin fixait sa petite soeur avec un regard rempli d'espoir et illuminé, comme si plein de minuscules bougies venaient de s'allumer dans le bleu de ses yeux. Oh oui, ce serait une vraie joie pour la petite chinoise de voir Yun Li dans une jupette rose, avec collant blanc et ballerines aux pieds, sans oublier le traditionnel haut assorti bien évidemment. Et ce serait encore mieux si elle pouvait faire la petite danse "spécial magical girl qui se transforme" tout en chantant et qu'elle termine par prendre la pose. Pour le coup, Xin emprunterais le cam"escope de son attardé d'élu et elle serait même prête à le laisser acheté cet appareil photo numérique dernier cri qu'il voulait tant (la jeune fille veillant tant bien que mal à ce que les comptes ne virent pas au rouge lui répondait à chaque fois que son argentique fonctionnait encore très bien et qu'il n'y avait donc aucune raison pour acheter une nouvel appareil photo) pour immortalier cet instant. Mais bon, ce serait déjà énorme qu'elle arrive à la travestir en lui faisant endosser le costume de la magical girl. La petite danse et tout le tralala, elle valait mieux pas compter dessus.

-Justement, Yun Li! Ce serait l'occasion rêvée pour leur montrer qu'ils ont tord et que toi aussi, tu peux être parfaitement fémininne et étonnament mignonne quand tu le veux! Et puis, je ne suis pas une princesse, moi...

D'un cou d'u seul, le sourire de Xin se transforma. Elle se méfiait. Yun Li renocntrant son élu, ce ne serait certainement pas une bonne chose. Elle ne voyait que deux résultats à une telle rencontre : une fin sanglante (avec Yun Li arrachant la tête de Tooru) et une fin encore plus terrifiante. Oui, pire que la guerre entre sa petite soeur et son élu : une alliance entre eux deux pour faire encore plus de bêtises que maintenant! Là, ce serait une véritable catastrophe... et c'était aussi ce qui avait le plus de probabilité d'arriver vue que sa très chère soeurette le trouvait déjà "marrant".

-On est un peu occupé en ce moment au temple... Tu vas t'ennuyer si je t'amène maintenant. Non, vraiment, il vaudrait mieux que tu viennes un peu plus tard. Et si tu m'amenais plutôt chez Yuzu Mizu... Mi... chez Yuzu. Je veux voir à quoi ressemble ta nouvelle maison. Tu as une chambre pour toi toute seule, au moins?

Oui, voilà la tactique à adopter. Il fallait distraire Yun Li, lui faire oublier son élu et retarder la rencontre de ces deux là.

-"Hooooo, je vois parfaitement clair dans ton jeu, toi ! Depuis quand tu trouves les magical girl féminines et mignonnes, hein ? Féminines, encore, mais mignonnes... je dirais plutôt cruches et ridicules ! En plus, j'ai jamais été féminine de toute ma vie, alors ça risque de pas le faire ! Sinon, pas la peine de nier, t'es ma princesse, point final ! "

Non mais ! Il fallait résister, il fallait surtout la convaincre de ne pas entrer dans ce délire de la magical girl ! Il ne manquait plus que Xin pense à lui faire faire ces petites danses ridicules et ce serait le bouquet ! Alors là, non ! Il ne fallait pas pousser mémé dans les orties ! Et si elle se la jouait grands yeux de chat botté irrésistibles, Yun l'entraînerait dans la honte avec elle ! Non, cette fois, elle ne tomberait pas seule dans le ridicule ! Toutes les deux pour la vie, hein ? Elles partageaient déjà leurs secrets, leurs joies, leurs peines... ben c'était au tour de leurs hontes ! Rien du tout, pas de négociations possibles ! Bref... Xin passa du coq à l'âne subitement, en insistant pour aller voir Yuzu et Ashu'. Bizarre, bizarre... pourquoi ce refus de l'amener au temple où elle vivait ? Il y avait anguille sous roche ! Impossible de le cacher, la frangine cherchait à cacher quelque chose ! Ou, du moins, à éloigner notre p'tite chinoise du temple à tout prix. Taratata, qu'à cela ne tienne : l'adolescente percerait bientôt ce mystère. Le problème fut la seconde question... hum... une chambre pour elle toute seule, hein ?

-"Ha... hum... à vrai dire, je partage ma chambre avec mon élue !"

Pas que la chambre, à vrai dire, et Xin le découvrirait bien vite en visitant les lieux. Il fallait tout avouer tout de suite, sinon ça ferait un scandale plus tard ! Et puis, encore une fois, plus de secrets entre les deux sœurs ! Inutile d'en faire tout un fromage, après tout.

-"Xin ? ... heu, tu sais... on partage pas que notre chambre, à vrai dire... mais... bon, ne va surtout pas te faire d'idées, hein ! Y'a absolument rien de spécial, c'est... heu... en toute amitié ! Mais... bon, on partage le même lit, aussi."

Yun Li paniquait. Bon, on se calme ma grande... pourquoi se mettre dans des états pareils, sincèrement ? D'accord, elle était bien de ce bord-là, mais pas avec son élue ! Entre elles, il n'y avait absolument rien du tout... c'était juste un partage de lit tout ce qu'il y a de plus innocent, ce n'est pas comme si elle mentait ! Et puis bon, ce n'est pas comme si Xin aurait soupçonner quoi que ce soit, pas vrai ?

-"Enfin, c'est pas comme si j'avais besoin de me justifier là-dessus, hein ? Moi et une autre fille, ce serait ridicule ! ... héhé..."

Yun se crispait de plus en plus... faudrait bien l'avouer un jour, mais elle n'osait vraiment pas se lâcher. Nan, elle avait trop peur de la réaction de sa frangine, même après avoir juré ne plus jamais avoir de secrets pour elle. Les gens pouvaient la voir comme un monstre et la rejeter, elle s'en fichait, elle connaissait... sauf s'il s'agissait de Xin. Là, elle ne l'aurait vraiment pas supporté, ce serait de loin la pire chose qui pourrait lui arriver.